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Par lutherien le 27 Décembre 2009 à 11:10
la source
(http://www.bach-cantatas.com/Guide/BWV144-Role.htm)
AVERTISSEMENT
(Cette notice dédiée à une cantate de Bach tend à rassembler des textes, des notes, voire des critiques discographiques souvent introuvables ou difficilement accessibles aujourd'hui (2008). Le but est de donner à lire un ensemble cohérent d'informations et de proposer aux amateurs et mélomanes francophones un panorama élargi et espéré parfois inédit de cette partie de l'œuvre vocale de BachOutre les « interventions « CR » signalées par des parenthèses [...] le rédacteur précise qu'il a toujours pris le soin jaloux de signaler sans ambiguïté le nom des auteurs sélectionnés dans la bibliographie. Semblablement, il a indiqué clairement, entre guillemets «...» toutes les citations fragmentaires tirées de leurs travaux. Rendons à César...)ABRÉVIATIONS: B.c. = Basse continue ou continuoBCW = Bach Cantatas WebsiteBD = Bach-Dokumente (4 volumes, 1975)BG = Bach-Gesellschaft = Société Bach (Leipzig, 1851-1899). J. S. Bach Werke. Gesamtausgabe (éditin d'ensemble) der BachgesellschaftBJ = Bach-Jahrbuch D = Deutschland EKG = Evangelisches Kirchen-Gesangbuch.F = France PBJ = Petite Bible de Jérusalem NBA = Neue Bach Ausgabe (nouvelle publication de l'œuvre de Bach à partir des années 1954-1955) NBG = Neue Bach Gesellschatf = Nouvelle société Bach (fondée en 1900)
La première lettre -en gras- d'un mot du texte de la cantate indique la majuscule de la langue allemande.Dans le corps du texte allemand de la cantate, le mot ou un groupe de mots mis en italiques désignent un affect particulier ou un « accident remarquable ».
DATATION BWV 144Église Saint-Thomas, Leipzig, 6 février 1724. I. JahrgangConsensus sur la datation: « les cantates de 1724 à 1727 ».HIRSCH: Classement CN 69 (Die chronologisch Nummer) Chronologie 1724 (celle d'Alfred Dürr): BWV 81(30 janvier) - BWV 83 (2 février) - BWV 144 (dimanche 6 février) - BWV 181 (dimanche 13 février) - BWV 18 (reprise ? 13 février) - BWV 23 (dimanche Estomihi 20 février)NYS, Carl de: «...La cantate BWV 144 a été interprétée pour la première fois tout au début du cantorat de Bach, le 6 février 1724 ».SCHMIEDER: Leipzig, entre 1723 et 1727. Authenticité discutéeZWANG: « À partir de cette cantate [BWV 144] et jusqu'à celle du 26 novembre 1724 [BWV 116 pour le 28e dimanche après la Trinité], tous les dimanches sont décalés d'une semaine par rapport au calendrier « romain ». Cela tient au fait que la plupart des pays protestants n'avaient pas encore adopté la réforme grégorienne effectuée en 1582 (sous le pontificat de Grégoire XIII, 1572-1585). L'année avait pris un retard de 18 heures et 40 minutes par siècle depuis le calendrier « Julien » en l'an 45. On rattrapa ce retard en 1582 en passant du 4 au 15 octobre. Un exemple célèbre de cette réforme : Sainte-Thérèse mourut dans la nuit du 4 au 15 octobre 1582. Avant cette réforme intervenue dans l'église protestante, Pâques 1724 fut fêté à Leipzig le 9 [BWV 31] et non le 16 avril 1724 dans l'Église romaine ».
SOURCES BWV 144PARTITION AUTOGRAPHE = ORIGINALPARTITURLeipzig BB Mus. ms. Bach P 134. Bach Archiv (anciennement à la Bibliothèque Royale de Berlin puis à la Deutsche Staatsbibliothek (ex DDR).Marqué „Concerto" [55 cantates portent cette indication et non pas le terme de « cantate »]. [Authenticité discutée de cette cantate, même si elle est autographe de Bach. Il ne l'a pas signée comme il le faisait très habituellement].BACH, Carl Philipp Emanuel: Catalogue (comportant 86 cantates sacrées) publié à Hambourg en 1790, par Gottlieb Friedrich Schniebes sous le titre « Verzeichniss des musikalischen Nachlasses des verstorbenen Cappelmeisters Carl Philipp Emanuel Bach » BG: Titre « J.J. Dominica Septuagesimae. Concerto. » Filigranes « IMK et « croissant de lune ».HOFMANN: «...Le matériel de cette cantate n'est pas vraiment satisfaisant. La partition complète de la main de Bach existe et forme la source la plus autorisée mais malheureusement aucune des parties originales n'a été conservée. En plus de la partition complète originale, , six autres manuscrits de la partition complète ont survécu ; ils datent des 18e et 19e siècles ; ils semblent ne pas être des copies de la partition complète originale mais de reposer sur la série perdue des parties. Ceci est évident du fait que la partition complète de la main de Bach diffère considérablement de ces autres versions de la partition complète. Pour être plus précis, les forces demandées par la partition complète de Bach sont le chœur et le continuo seulement dans le premier mouvement et le second mouvement ne spécifie pas d'instruments. Dans les autres versions copiées cependant, cordes et hautbois apparaissent partout et la question qui se pose concerne la fiabilité de ces partitions. En admettant que les sources originales sont entièrement présentes, les copies faites après la mort de Bach n'ont rien de plus qu'une importance secondaire. Les notes de cette œuvre fournies par les éditeurs de la nouvelle édition de Bach (NBA) indiquent cependant que toutes les versions ultérieures reposent sur une instrumentation incluant cordes et hautbois, suggérant qu'il y a de fortes raisons de prendre cette instrumentation comme autorisée. Il semble ainsi fort probable que les parties originales fussent basées sur cette instrumentation et c'est pourquoi nous nous sommes référés à ces versions ultérieures de la partition complète pour la présente exécution ». [Volume 17, CD BIS 2001]ROMIJN: «...Bien que le manuscrit autographe soit de la main de Bach, certains observateurs ont émis un doute quant à sa paternité, de par la nature même du chœur d'ouverture...»SCHMIEDER : 4 feuillets ; 8 pages écrites, in 4°SPITTA. Filigrane « IMK » période 1723-1727
PARTIES SÉPARÉES = ORIGINALSTIMMENPas de sources connuesCOPIES XVIIIe ET XIXe SIÈCLES = ABSCHRIFEN (Werner Neumann).P Am 20 T. Anciennement Amalienbibliothek ; Tübingen Universitätvibliothek et Berlin-Dahlem; enfin Berlin. Deutsche StaatsbibliothekP Am 595 B Anciennement Amalienbibliothek et à Berlin, Deutsche Staatsbibliothek. P 37M. Anciennement à Marburg, Staatsbibliothek, puis Berlin-Dahlem ; enfin Berlin. Deutsche Staatsbibliothek
BRAATZ (BCW): 1] Première copie (sans l'instrumentation) rédigée par J. Ph. Kirnberger, Berlin, avant 1783.2] Copie du premier mouvement en provenance de Carl Philipp Emanuel Bach puis de la collection Pölchau [collectionneur et bibliothécaire en 1791 à la Zelter Singakademie de Berlin. C'est lui qui acheta une grande partie des collections musicales de Carl Philipp Emmanuel Bach (mort en décembre 1788) et les rétrocéda à la Berlin, Deutsche Staatsbibliothek où elles entrèrent en 1841].3] Copie intégrale [de la cantate] en provenance de Joseph Hauser [Musicologue (1794-1870), l'un des fondateurs de la BG ayant établi l'un des tous premiers catalogues de l'œuvre de Bach] et de son fils Franz. Cette copie remontant à la première moitié du 19e siècle, avec deux hautbois, deux violons, viola et basse, a peut-être servi à une exécution par Félix Mendelssohn. 4] Copie de la partition par Anton Werner, datée de 1839, possédant la même instrumentation que celle de Hauser (voir ci-dessus).5] Copie du premier mouvement (sans les instruments) dans une collection intitulée « Motets de J. S. Bach (avec les BWV 226, 229 et le morceau BWV 244/18 » de la Passion selon Saint-Matthieu. Copie remontant à la seconde moitié du 18e siècle ; peut-être par Kirnberger [voir 1].6] Une dernière copie, d'après celle de Hauser, remontant vraisemblablement au 19e siècle.
ÉDITIONSSOCIÉTÉ BACH = BACH-GESELLSCHAFT (BG)BG Jg. XXX (30e ée - Avec BWV 141-150). Pages 77-92. Préface de Paul Graf Waldersee (1884)NOUVELLE ÉDITION BACH = NEUE BACH AUSGABE (NBA)KANTATEN SERIE I/ BAND 7. KANTATEN ZUM DEN SONNTAGEN SEPTUAGESIMAE UND SEXAGESIMAEBärenreiter Verlag BA 5006. 1955-1956. 3 fac-similés.BWV 144. Pages 3-20. BB Mus. ms. Bach P 134. Bl. 1r. [Début 1]Kritischer Bericht (commentaires). BA 5006 41. W. NeumannDans le coffret Teldec / Das Kantatenwerk [Vol. 35] la partition proposée est un "copyright 1956, édition Bärenreiter-Verlag, Kassel ».
AUTRES ÉDITIONSBärenreiter Verlag. Kassel. Partition de poche (Taschenpartitur). Préface de Werner Neumann (1958)Breitkopf & Härtel, n° 10 : 371 Vierstimmige Choragesänge. C. Ph. E. Bach - (copie de J. Ph. Kirnberger (1783-1787) avec l'harmonisation du choralPartition PB 2994. Voix et accompagnement ChB 1960BCWBG. 1] Partition d'ensemble sous le titre „Kirchengesänge / für / Solo - und Chor-Stimmen, / mit / Instrumental-Begleitung / von / Johann Sebastian Bach // Dominica Septuagesimae: / Nimm was dein ist und gehe hins / Partitur / mit unterlegter Pianoforte- Begleitung / von J. P. Schmidt. / Verlag und Eignethum / von Trautwein & Cie in Berlin. Verlagsnummer 821"2] PETERS. Les chorals n° 87 et 92 sous le titre „Johann Sebastian Bach's /mehrstimmige / Choralsesänge und geistliche Arien... Edition nouvelle révisée par Ludwig Erk. Peters. Leipzig. Ca 1800NET. ENMD de Grand et Petit Couronne. Chant et piano (mise à jour 2006).
PÉRICOPE BWV 144Dimanche de la Septuagésime. Le troisième dimanche avant celui de Carême, soixante-dix jours avant Pâques. Fête en violet insistant sur le changement de saison [ ?], le renouvellement de l'homme, etc. Épître: 1. Corinthiens 9, 24-27 [PBJ 1698]. L'exemple de Paul1. Corinthiens 10, 1-5 [PBJ 1698]... le rocher spirituel, c'est le Christ... [Corinthiens 10, 10]: ne murmurez pas, comme le firent certains d'entre eux [il s'agit de « nos pères » et des leçons du passé d'Israël]. Évangile: Matthieu 20 1-16 [PBJ 1486]. Parabole des ouvriers envoyés à la vigne.
MISSEL (pages 360-366)Dimanche de la Septuagésime (l'Avant-Carême)Psaume 18, 5-7 [PBJ 814] « Circumderunt me gemitus mortis - L'oppression de la mort m'avait étreint...» Sentiment de la fragilité humaineÉpître. Corinthiens 9, 24-27 [PBJ 1698]. L'exemple de Paul.Graduel. Psaume 9, 10-11 [PBJ 809]. Dieu abat les impies et sauve les humblesTrait. Psaume 130 (De profundis), 1-4Évangile. Matthieu 20 1-16 [PBJ 1486]. Parabole des ouvriers envoyés à la vigne.Offertoire, Communion, Psaume 92, 2 et 31, 17-17
EKG Dimanche de la SeptuagésimeEntrée : Daniel 9, 18 [PBJ 1373]. La prière de Daniel.Psaume 18 [PBJ 814] Te Deum royal.Cantique. EKG 242. C'est par Toi que nous est venu le Salut.Épître. Corinthiens 9, 24-27 [PBJ 1698]. L'exemple de Paul.Évangile. Matthieu 20 1-16 [PBJ 1486]. Parabole des ouvriers envoyés à la vigne.
Même occurrence: Cantates BWV 92 (28 janvier 1725) et BWV 84 (9 février 1727)
TEXTE BWV 144Auteur du texte inconnu, peut-être Picander, souvent cité (Neumann)1] Matthieu 20, 14 [PBJ 1486]. Parabole des ouvriers envoyés à la vigne. Citation textuelle: « Prends ce qui te revient et vas-t'en ».2] Auteur inconnu, Picander ?3] Cantique en six strophes (1674-1675) de Samuel Rodigast (1649-1708), Was Gott tut, das ist wohlgetan », strophe 1 + la mélodie Publication dans un recueil de Hanovre vers 1676. La mélodie (sol majeur) attribuée à Severus Gastorius (Weimar 1646- Jena 1682), ami de Samuel Rodigast, tire son origine d'une autre mélodie composée par Werner Fabricius (1633-1679).Le même cantique, son texte et la mélodie renvoient aux cantates BWV 12/7 (verset 6) ; BWV 69a/6 (verset 6) ; BWV 75/7 et 75/14 (versets 5 et 6) et BWV 75/8 (la mélodie seule) ; BWV 98/1 (verset 1) ; BWV 99/1 (versets 1) et mélodie uniquement dans BWV 99/6) ; BWV 100/1 à 6 (versets 1 à 6). BWV 250 (mélodie sur le verset 1), BWV Anh. II/ 67 (authenticité discutée), BWV 1116 (la mélodie).EKG 299 BCW: La mélodie de ce cantique est publiée à Iéna en 1659 dans un Geistlicher Lieder (recueil de cantiques spirituels) à l'usage de la paroisse Saint-Paul, Leipzig. La mélodie du cantique est utilisée par Pachelbel (1683), Telemann TWV1:1747, Walter, Krebs, Homilius, Kirnberger, Liszt, Guilmant, Reger, etc.LYON: Voir incipit de la mélodie 213, page 289
4] Auteur inconnu, Picander ?5] Auteur inconnu, Picander ?6] Première strophe du cantique (3 strophes en 1547) du Markgraf Albrecht von Brandenburg (1490-1567), ou « Albrecht de Prusse, « Grand Maître de l'Ordre des Chevaliers teutoniques ». Texte publié sans nom d'auteur à Nuremberg en 1554-1555 (avec une quatrième strophe et une strophe finale ajoutées). Mélodie. Celle d'une chanson profane « Il me suffit de tous mes maux » de Claudin de Sermisy, publiée par Pierre Attaignant (1528) sous le titre « Trente et quatre chansons ».Le texte et la mélodie: dans les cantates BWV 65/7 (uniquement la mélodie ; le texte de Paul Gerhardt). 72/6 (verset 1) ; BWV 92/2, 4, 7 et 9 (uniquement la mélodie ; le texte de Paul Gerhardt), BWV 103/6 (uniquement la mélodie ; le texte de Paul Gerhardt) ; BWV 111/1 (verset 1) ; 111/6 (verset 4, ajouté en 1554-1555) ; BWV 244/25 de la Passion selon saint-Matthieu (verset 1)EKG 280.BCW: Utilisation de la mélodie par d'autres compositeurs: Orlando di Lasso, J. Eccard, Pachelbel, Zachow, Walther, Doles, Krebs, etc.
BJ 1975, page 110: Les textes de Picander. Analogie du texte et de la construction avec les cantates BWV 6, 37, 42, 44, 79, 85, 86 et 166NEUMANN [Sämtliche von Johann Sebastian Bach vertonte Texte, pages 426 et 512]: Fac-similé du livret: „Am Sonntage Septuages. In der Kirche zu St. Thomae". Texte zur Leipziger Kirchen-Music. Leipzig, 1724. Avec ceux des cantates BWV 155, 73, 81, 83, 181, 22. Source: Saltykow-Stschedrin-Bibliothek, LeningradBASSO [Jean-Sébastien Bach, pages 281 et 323]: « texte attribué à Henrici (Picander). Le point de départ de cette œuvre, que l'on considéra même pendant un certain temps comme non authentique, et dont le texte a été attribué-je ne m'explique pas sur quelles bases - à Henrici, ne diffère pas de celui des œuvres vues dans le paragraphe consacré aux cantates du 8e au 14e dimanche après la Trinité...»HOFMANN: «...Texte très médiocre en termes théologiques et poétiques...»NYS, Carl de: «...La cantate BWV 144 commence par une citation de l'Évangile de Matthieu 20, 14, lu le jour de la Septuagésime ».
GÉNÉRALITÉS BWV 144
SPITTA: « Œuvre composite au manque d'unité et livret d'un médiocre intérêt. La tonalité générale est de caractère intime ».[Si mineur, tonalité reprise dans les mouvements 1, 3, 5 et 6]
DISTRIBUTION BWV 144
NEUMANN. Solo: Sopran, Alt, Tenor. - Chor. Oboe I, II, Oboe d'amore ; Streicher ; B.c. SCHMIEDER. Soli: S, A, T. Chor : S, A, T, B. Instrumente: Oboe d'amore; Viol. I, II; Vla.; Cont.
APERÇU BWV 1441] CHORSATZ. BWV 144/1
NIMM, WAS DEIN IST, UND GEHE HIN.Prends ce qui te revient et va-t-en !
Si mineur, 68 mesures, C barré. Alla breve. Marqué « Concerto ». Stricte style fugué avec entrées successives ténor, basse, soprano, alto. BG Jg. XXX. Pages 77-80NEUMANN. Chor, 2 Oboen, Streicher, B.c. Manière du motet, avec parties instrumentales, parfois indépendantes. Chœur fuguéSCHMIEDER. Sopr., Alto, Ten., Basso ; Continuo
BASSO: «...Bach réalise [ce mouvement] dans le style d'un motet en forme de fugue, sur un tempo à »alla breve », en confiant aux instruments la simple tâche de doubler les voix ; il est à noter que la tête du thème correspond aux premières notes de l'Aus tiefer Not de Luther ». BOMBA: «...Le début de cette cantate surprendra certainement l'oreille exercée de l'auditeur de Bach. En effet le prélude instrumental manque et tout au long des cinq mouvements suivants, il y a très peu d'éléments qui évoquent l'art concertant moderne du maître dans cet art de la composition qu'était Bach. Au contraire, le mouvement d'introduction est un motet dense dont le thème exécuté en contrepoint illustre le texte de manière très rhétorique : un saut de sixte [la plus haute note] met le mot « dein » en relief, les rythmes animés étayent l'idée « gehe hin ».BOYER [Les cantates sacrées dJean-Sébastien Bach, pages 266-267]: « Brutalité dramatique du premier chœur ». [Les mélodies de chorals dans les cantates de Jean-Sébastien Bach, page 326]: «...Comme souvent chez Bach, pour des cas similaires, la formule lapidaire [ici la brève citation de Matthieu XX, 1-4] est illustrée par une stricte fugue. Le thème, avec ses grands intervalles (saut de quinte descendante et saut de sixte montante) est particulièrement mémorisable...» COWLING, Doug (BCW): Ce premier mouvement est cité en 1759 dans le « Kritische Briefe über Tonkunst », tome 1, page 381, Berlin, 1760 de Friedrich Wihlelm Marpurg comme un exemple parfait de déclamation dans une texture fuguée ».GEIRINGER: «...Dans les premières cantates de Leipzig, Bach écrivit souvent des chœurs qui ressemblent à des motets, sans parties instrumentales indépendantes. Des exemples dans les cantates BWV 182/7, 64/1, 38/1, 2/1, 28/2, 108/4, 4/5, 21/9, 68/5, 121/1, 179/1, 232/19 HIRSCH: «...La somme numérique de « Nim was dein ist » est « 163 », nombre de notes chantées au soprano. La somme numérique de « und gehe hin » est « 92 », 92 fois chanté par le soprano et le ténor puis encore 92 par l'alto et la basse. [« 92 », est la somme numérique de « Christen]. HOFMANN: «...Bach mit en musique le verset d'introduction de la bible en motet à quatre voix avec accompagnement instrumental - une pièce de grand travail artistique, didactique et stricte - pourtant facilement retenue...»NYS, Carl de: «...Le premier chœur est écrit dans le style ancien du motet, les instruments (deux hautbois et orchestre à cordes avec le continuo de l'orgue) se contentant de doubler les voix, le continuo seul étant indépendant ».ROMIJN: «...Bien que le manuscrit autographe soit de la main de Bach, certains observateurs ont émis un doute quant à sa paternité, de par la nature même du chœur d'ouverture, une fugue d'école sur un thème choral dans le style du motet, sans aucune ligne instrumentale indépendante, puisque les instrumentistes se bornent à doubler rigoureusement les voix ».SCHUHMACHER: «...cantate d'un caractère introverti. Le chœur d'entrée est une fugue stricte, le thème sur les paroles « Nimm, was dein ist » s'y faisant entendre en valeurs de notes longues, et ayant pour contrepoint le « gehe hin » qui se poursuit en séquences et continue à faire l'objet de façonnement musical...» SCHWEITZER: Motif de la démarche (Schrittmotive)... idem BWV 64/3 sur les mots « Vas-t-en »
2] ARIE ALT. BWV 144/2
MURRE NICHT, / LIEBER CHRIST, / WENN WAS NICHT NACH WUNSCH GESCHICHT; / SONDERN SEI MIT DEM ZUFRIEDEN, / WAS DIR DEIN GOTT HAT BESCHIEDEN, / ER WEIß, WAS DIR NÜTZLICH IST.Ne murmure pas, / [cher] Chrétien, / Si tout ne marche pas selon tes désirs ; / Loue-toi au contraire / De ce que Dieu t'a accordé en partage, / Lui qui sait ce qui est pour ton bien.
Mi mineur, 194 mesures, 3/4. Da capo BG Jg. XXX. Pages 81-86NEUMANN. Alt ; Streicher, B.c. Cordes + hautbois I, II. Ritournelle instrumentale entre chaque section de l'aria ainsi qu'à la reprise du da capo.SCHMIEDER. Alto ; Viol. I, II, Vla. ; Continuo
BASSO: « Tempo de danse, ici le menuet. Un mouvement de menuet caractérise l'aria du contralto... épisode galant...»BOMBA: «...l'air d'alto est également marqué [comme le n° 1] par des figurations... on entend le grognement [murmure serait plus juste] dans les croches répétées des cordes alors que Bach prend le plus grand soin à marquer la différence entre cette manifestation de contrariété et le destinataire de la recommandation « lieber Christ » en employant des notes basses et des notes élevées...»BRAATZ (BCW): L'instrumentation de ce mouvement fait problème car il n'y a pas de source vraiment valable.HIRSCH: «...la somme numérique de « Murre nicht » est de 123 comme celle de « Lieber christ », soit un total de 246. Dans ce temps, l'alto chante 245 notes... La somme numérique globale de l'ensemble de l'aria est de 1453, correspondant à celle du choral final [6]. Si on décompose 1453 en 14 et 53, le nombre 53 équivaudrait gématriquement au nom de « Weiss », le pasteur de l'église Saint-Thomas à l'époque [1724], compilateur possible du texte de la cantate et « 14 » le nombre de notes du thème, somme numérique équivalant a 14, « Bach ». [Ces « spéculations » sont quand même bien surprenantes !]HOFMANN: «...aria assez moralisante ne gardant pas un ton trop sérieux puisque la composition est un menuet stylisé...»MERLET, Jacques: «...Le murmure évoqué par les croches des cordes, rappelant celui de la cantate BWV 53...» PIRRO [L'esthétique de Jean-Sébastien Bach. Formation des motifs, page 85]: « Des accents d'Heinrich Schütz retrouvés par Bach pour dire les peines de l'âme en proie au désir » [+ exemple musical. BG XXX, page 83][L'orchestration, pages 225-226]: «...le continuo imite et assombrit le bourdonnement discret du second violon et de l'alto... »ROBERT: «...Que dire de la forme chromatique su chant sur les mots suivants : « Ne murmure pas, ô cher chrétien...» transcrit par M. Pirro, page 85). Qu'en inférer alors que ces mots sont redits cinq fois et c'est une fois seulement que se présente cette particularité...»ROMIJN: «...Les grognements de rébellion sont représentés par des notes répétées avec obstination : « Murre nicht, Lieber Christ ». SCHUHMACHER: «...symbolisme du « murmure » dans un registre toujours grave passant ainsi sur la négation que contient le texte. Même dans les modifications contrapuntiques qui se produisent dans le courant de l'air, les paroles « Murre nicht » sont constamment entendues dans le grave, alors que les mots « lieber Christ » sont déclamées dans l'aigu, ce qui leur confère de la clarté...» WHITTAKER: «...Simplicité de cette première aria rappelant la cantate BWV 53. Le librettiste oppose en style populaire ceux qui sont contents à ceux qui ne le sont pas... ce morceau doit être exécuté rapidement afin d'éviter une certaine monotonie. Les mesures 86 à 89 paraissent suggérer l'adoption de nouvelles paroles. Les 16 premières mesures déroulent une mélodie de grande beauté... le murmure est caractérisé par le balancement accentué des violons ».
3] CHORAL. BWV 144/3
WAS GOTT TUT, DAS IST WOHLGETAN, / ES BLEIBT GERECHT SEIN WILLE ; // WIE ER FÄNGT MEINE SACHEN AN, / WILL ICH IHM HALTEN STILLE, // ER IST MEIN GOTT, / DER IN DER NOT. / MICH WOHL WEIß ZU ERHALTEN ; // DRUM LASS' ICH IHN NUR WALTEN. Ce que Dieu fait est bien fait, / Ses desseins demeurent justes ; / Quel que soit le cours qu'il donne à ma destinée, / Je m'en tiens sans mot dire à sa gouverne. / N'est-il pas mon Dieu, / Qui sait dans le péril / Veiller à ma sauvegarde ? / Aussi n'ai-je qu'à le laisser agir.
Sol majeur, 14 mesures, 4/4BG Jg. XXX. Page 87NEUMANN. Chor, B.c. simple choral, avec la seule basse continue, sans instruments. Choral de Samuel Rodigast (1674). Voir BWV 12, 69a, 75, 98, 99 et 100SCHMIEDER. Sopr., Alto, Ten. ; Basso ; Continuo
BASSO: «...Il n'est plus possible de savoir si le mouvement choral devait partager la cantate en deux parties qui auraient été respectivement exécutées avant et après le sermon ».BOYER [Les cantates sacrées de Jean-Sébastien Bach, pages 266-267]: Choral harmonisé sans indications des doublures instrumentales. Mélodie de choral 104 » HOFMANN: «...seul mouvement de la cantate dans une tonalité majeureSCHUHMACHER : « Une sobre strophe de choral ».ZWANG: «...Dans ce choral comme dans le choral [6] les instruments « colla parte » ne sont pas indiqués sur la partition autographe. Renvoi à la cantate BWV 159[Rilling ajoute les deux hautbois et les cordes],
4] REZITATIV TENOR. BWV 144/4
WO DIE GENÜGSAMKEIT REGIERT / UND ÜBERALL DAS RUDER FÜHRT, / DA IST DER MENSCH VERGNÜT / MIT DEM, WIE ES GOTT FÜGT. / DAGEGEN, WO DIE UNGENÜGSAMKEIT DAS URTEL [Wustmann: „Urtheil"] SPRICHT, / DA STELLT SICH GRAM UND KUMMER EIN, / DAS HERZ WILL NICHT / ZUFRIEDEN SEIN, / UND MAN GEDENKET NICHT DARAN : / WAS GOTT TUT, DAS IST WOHLGETAN.Là où règne la modération / Et ou le gouvernail est bien tenu, / L'homme est heureux / De ce que Dieu en a ordonné. / Là où par contre c'est l'intempérance qui fait la loi / Naissent le tourment et les soucis, / Le cœur ne veut pas / Etre satisfait, / Et, on oublie d'y penser : / Ce que Dieu fait est fait.
Mi mineur → si mineur. 13 mesures, 4/4BG Jg. XXX. Page 88NEUMANN. Tenor, B.c. récitatif secco avec arioso [sur Was Gott tut, das ist wohlgetan]SCHMIEDER. Ten. ; Continuo
BOMBA: «...Le récitatif [4] est le seul mouvement dans lequel le texte se réfère à l'Évangile du dimanche : la Parabole des ouvriers dans la vigne qui aboutit à l'exhortation à la tempérance et qui incite le librettiste à conclure par le premier vers du choral célèbre de Samuel Rodigast [texte qui apparaît au début du numéro 3 précédent].MERLET, Jacques: «...Citation, [troisième partie du récitatif sur « Was Gott tut »] de la première phrase du choral précédent » [Mvt. 3]
5] ARIE SOPRAN. BWV 144/5
GENÜGSAMKEIT / IST EIN SCHATZ IN DIESEM LEBEN, / WELCHER KANN VERGNÜGUNG GEBEN / IN DER GRÖßTEN TRAURIGKEIT, / GENÜGSAMKEIT. / DENN ES LÄSSET SICH IN ALLEN [Wustmann: „Allem"] / GOTTES FÜGUNG WOHL GEFALLEN / GENÜGSAMKEIT.En cette vie, / La modération est un trésor / Qui peut rendre heureux / Dans la plus grande tristesse, / Car la tempérance / Se plaît en tout à trouver agréables / Les voies de Dieu.
Si mineur, 42 mesures, 4/4. Marqué « Andante »BG Jg. XXX. Pages 88-91NEUMANN. Sopran ; Oboe d'amore, B.c. Forme de trio sonate. Partie vocale à trois reprises (en ritournelle)SCHMIEDER. Sopr. ; Oboe d'amore ; Continuo
BASSO: «...comme l'a noté Smend, il y a une certaine parenté entre l'épisode terminal du récitatif et le point de départ thématique de l'aria ; qui plus est, cette dernière [aria] est conçue en une forme tripartite qui se rattache moins au principe du da capo qu'à celui de la variation ».BOMBA: «...Air de soprano dont le texte fait à nouveau l'éloge de la tempérance et que Bach enrobe d'une phrase en trio interprétée par le soprano et le oboe d'amore. La mention du trésor dans cette vie « Schatz in diesem Leben » apporte une note intime personnelle ; et plus l'homme sombrera dans une profonde tristesse, plus la volonté infinie de Dieu lui plaira, ce que de long mélismes illustrent musicalement ».HIRSCH: «...Gématrie. Le soprano chante 252 notes. Le mot „Genügsamkeit" (valeur numérique: 126 x 2 = 252) est chanté sept fois dans la première partie, sept fois dans la seconde et à la fin, sept fois d'affilée...» Bach fait répéter les mêmes mots sept fois (Genügsamkeit). Ce mot est répété 7 fois dans les parties A + B, 2 fois dans le da capo libre, et encore 7 fois, sans interruption, à la fin de l'aria. « 7 » le symbole de la foi, la vertu et les sacrements, sanctification du septième jour dans la création du monde...»MERLET, Jacques: «...fête du contentement ».ROMIJN: «...le duo soprano et hautbois d'amour chante tendrement les vertus de la sobriété et de la modestie sur les mots: « Genügsamkeit ist ein Schatz in diesem Leben...»SCHUHMACHER: «...ici, Bach peut exploiter à fond musicalement, en lignes élancées et en amples vocalises, la certitude de la foi « Genügsamkeit ist ein Schatz ». L'apparente contradiction est abolie dans la musique car une distribution modérée trouve à s'y épanouir richement. A la place du da capo attendu est survenue une répétition libre ayant un caractère de variation... la variation est plus riche que la répétition mécanique... » [Citation d'Alfred Dürr, tome 1, page 204].WHITTAKER: «...caractère spontané de l'aria.... inhabituellement, dans la ritournelle finale, la mélodie commence avant que la voix n'ait fini ».
6] CHORAL. BWV 144/6
WAS MEIN GOTT WILL, DAS G'SCHEH ALLZEIT, / SEIN WILL, DER IST DER BESTE. // ZU HELFEN DEN'N ER IST BEREIT, / DIE AN IHN GLAUBEN FESTE. // ER HILFT AUS NOT, DER FROMME GOTT, / UND ZÜCHTIGET MIT MAßEN. / WER GOTT VERTRAUT, FEST AUF IHN BAUT, // DEN WILL ER NICHT VERLASSEN.Que la volonté de mon Dieu soit toujours faite, / Ce qu'il veut, c'est pour le mieux. / Il est prêt à aider / Ceux qui croient en lui d'une foi ferme et sincère. / Il aide dans la détresse, le Dieu de justice, / Et ne châtie qu'avec modération. / Celui qui a confiance en Dieu et qui compte sur Lui, / Dieu ne l'abandonnera pas.
Si mineur, 20 mesures, 4/4. Sans indications des instruments sur la partition autographeBG Jg. XXX. Page 92NEUMANN. Chor ; 2 Oboen ; Streicher, B.c. Simple choral harmonisé, sans instrumentation prévue. Choral du Markgraf Albrecht von Brandenburg (1547): « Was mein Gott will, das g'scheh allzeit ». SCHMIEDER. Sopr., Alto, Ten., Basso ; Continuo
BOYER [Les cantates sacrées de Jean-Sébastien Bach, pages 266-267]: « Choral harmonisé sans indications des doublures instrumentales. Mélodie de choral 105 ». Air de voisinage entre les deux chorals [3 et 6]. [Les mélodies de chorals dans les cantates de Jean-Sébastien Bach, page 326]: «...Par un effet de symétrie au choral n° 3, Bach termine sa cantate par le non moins célèbre choral « Was mein Gott will » harmonisé mais également sans indication des doublures instrumentales. Il n'est pas étonnant de voir Bach lier ces deux mélodies entre elles voisines par leurs textes mais également par leur incipit mélodique ascendant qui fait jouer au saut de quarte un rôle prépondérant ».CHAILLEY: «...la tonalité incertaine de ce choral oscillant sans cesse du majeur au mineur, est la marque de son origine ancienne. C'est en effet la mélodie d'une chanson d'amour française à quatre voix du XVIe siècle, publiée anonymement en 1529 par Pierre Attaignant et attribuée depuis à Claudin de Sermisy, « il me suffit de tous mes maux ». Dès 1540, on chantait à Anvers sur cette mélodie le psaume 140 ». NYS, Carl de: «...Comme il y a deux strophes du cantique choral du duc Albrecht de Prusse Was Gott tut, das ist wohlgetan sans aucune indication d'instruments accompagnateurs, avec la seule harmonisation des quatre voix, on peut se demander si ces strophes n'ont pas été entonnées par la maîtrise et la mélodie doublée par la foule soutenue par l'orgue...»WHITTAKER: «...Harmonies incertaines ».
BIBLIOGRAPHIE BWV 144
BACH CANTATAS WEBSITE (BCW):AMG. Notice par James LeonardBRAATZ, Thomas. Discussions 9 mars 2006CROUCH, Simon. Notice 1996-1998ORON, Aryeh: Discussions 1] 20 février 2000 - 2] 5 mai 2006Text and Translation of ChoraleChorale Melodies used in Bach's Vocal Works
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(Dr.): Notices Hänssler / Rilling / edition bachakademie [Vol. 44]. 2000 BOYER, Henri: Les cantates sacrées de Jean-Sébastien Bach. L'Harmattan 2002. Pages 266-267 : Les mélodies de chorals dans les cantates de J.-S. Bach. L'Harmattan 2003. Page BREITKOPF. Recueils Breitkopf n° 10: 371 Vierstimmige Choragesänge. C. Ph. E. Bach - KJ. Ph. Kirnberger (sans date) [Mvt. 3] =B n° 64-65 (104), 292-293, 347, 360[Mvt. 6] = B 41, 115, 120, 265Breitkopf n° 3765: 389 Choralgesänge für vierstimmigen gemischten Chor (sans date). [Mvt. 3] = C 338 à 341[Mvt. 6] = C 345 (342-348)CANTAGREL, Gilles: Tempéraments, Tonalités, Affects. Un exemple : si mineur. In Jean-Sébastien Bach. Ostinato rigoreRevue internationale d'études musicales. N° 16. Jean Michel Place.2001. Page 43CHAILLEY, Jacques: Les Passions de J.-S. Bach. PUF 1963. Pages 242-243 [3] DÜRR, Alfred: Die Kantaten von J.-S. Bach. Bärenreiter. Kassel 1974. Volume 1, pages 202-204 EKG: Evangelisches Kirchen-Gesangbuch. Verlag Merfburger Berlin. 1951. Ausgabe für die Evangelische Kirche in Berlin-Brandenburg : BEIHEFT 83 (Zum Evangelischen Kirchengesangbuch). Supplément. Voir EKG 299 et 280FANTAPIÉ, Alain:Critique version Ramin (Eurodisc). Diapason, n° 222, novembre 1977FESTIVAL JEAN-SÉBASTIEN BACH DE MAZAMET. 14e année. 1979. Grand Temple, samedi 8 septembre 1979Orchestre de chambre de Rouen. Société des Chanteurs de Saint-Eustache. R.P. Émile MartinGEIRINGER, Karl: Jean-Sébastien Bach. Le Seuil 1966. Page 368, note 181 de la page 183 HERZ, Gerhard: Cantata N° 140. Historical Background. Pages 3-50. Norton Critical Scores W. W. Norton & Company. Inc. New York 1972. Page 20 HIRSCH, Arthur: Die Zahl im Kantatenwerk Johann Sebastian Bachs. Hänssler HR 24.015. 1ère édition 1986. Pages 105 : Interprétation symbolique des chiffres dans les cantates de Bach. La Revue musicale : Jean-Sébastien Bach / Contribution au Tricentenaire 1985". Page 46: Notice de l'enregistrement d'Helmuth Rilling (Laudate 98702) HOFMANN, Klaus: Notice de l'enregistrement de M. Suzuki [volume 17]. 2001LEMAÎTRE, Edmond: La Musique sacrée et chorale profane. L'Âge baroque 1600-1750 ». Fayard. Les indispensables de la musique 1992. Page 93LYON, James: Johann Sebastian Bach. Chorals. Sources hymnologiques des mélodies, des textes et des théologies Beauchesne. Octobre 2005. Pages 25 (Claudin de Sermisy [6], 127, 130, 144, 170, 289MERLET, Jacques: Présentation de cette cantate sur France Musique le 7 janvier 1982MISSEL ROMAIN: Éditions Brepols. 1958. Pages 360-366. NEUMANN, Werner: Handbuch der Kantaten Johann Sebastian Bachs, VEB. Breitkopf & Härtel Musikverlag Leipzig 1971 Pages 159-160 Literaturverzeichnis: 44 (Richter), 50 (Schering), 66VI (Smend) : Kalendarium zur Lebens-Geschichte Johann Sebastian Bachs. Bach-Archiv, 20 novembre 1970. 1714. Page 23: Sämtliche von J. S. Bach vertonte Texte. VEB Leipzig 1974. Pages 59. Fac-similé page 426 et note page 512NYS, Carl de: Notice du programme du Festival Jean-Sébastien Bach de Mazamet, 14e année. 1979PIRRO, André: L'esthétique de Jean-Sébastien Bach. Fischbacher 1907. Minkoff Reprint Genève 1973. Pages 85, 225-226 [2] PITROU, Robert: Jean-Sébastien Bach. Editions Albin Michel. 1955 VOIRROBERT, Gustave: Le descriptif chez Bach. Librairie Fischacher. Paris. 1909. Page 42 RICHTER, Bernhard Friedrich: Über die Schicksale der der Thomasschule zu Leipzig angehörenden Kantaten Joh. Seb. Bachs. In BJ 1906, S. 43-73 ROMIJN, Clemens: Notice (sur CD) de la Bach Edition 2006/ J. P. Leusink SCHERING, Arnold: Beiträge zur Bachkritik, in BJ 1912, S. 124-133SCHMIEDER, Wolfgang: Thematisch-Systematiches Verzeichnis der Werke Joh. Seb. Bachs (BWV). Breitkopf & Härtel 1950-1973-1998 Édition 1973. Pages 193-194, 627 (BWV Anh. 67) Literatur: Breitkopf II1,(Catalogue de musique, Leipzig, éditions de 1760 à 1780), Spitta, Schweitzer, Wolfrum II, Pirro, Parry, Voigt, Wustmann, Wolff, Terry, Moser, Thiele, Neumann, Smend, Fr. Wilhelm Marpurg (Kritische Briefe über Tonkunst, tome 1, Berlin 1760), Joh. Schreyer. Bj 1906, 1912, 1913, 1927, 1932, 1935SCHUHMACHER, Gerhard: Notice du coffret Teldec / Das Kantatenwerk [Vol. 35] 1984 SCHWEITZER, Albert: J.- S. Bach "Le musicien-poète". Foestich 1967, 8e édition. Édition française de 1905. Pages 162, 240Édition allemande complète, en deux volumes. 1911.Édition américaine (traduction de E. Neumann. Dover Publications, inc. New York. 1911-1966 Deux volumes. Volume 1, note 2, page 251, volume 2, pages 200, 465SMEND, Friedrich: Kirchen Kantaten (VI). Berlin 1949SPITTA, Philipp: Johann Sebastian Bach. Sous-titré: « His work and influence on the Music of Germany 1685-1750 »Novello & Cy 1889 - Dover 1951-1952. Trois volumes. Volume 2, page 416. Note n° 433. Note n° 19, page 680SUZUKI, Masaaki: L'instrumentation du BWV 144. BIS, volume 17. 2001WESTRUP, Jack. A., Sir: Bach Cantatas. BBC Publications. 1966-1975. Pages 42, 51 WHITTAKER, W. Gillies: The Cantatas of Johann Sebastian Bach. Sacred & Secular Oxford U.P. 1959-1985WOLFF, Christoph: Notice (brève) de l'enregistrement de Ton Koopman (volume 7)WUSTMANN, Rudolf: J.S. Bachs geistliche und weltliche Kantatentexte. Breitkopf & Härtel, 1913-1967. Page 74 ZWANG, Philippe et Gérard: Guide pratique des cantates de Bach. R. Laffont 1982. Pages 130-131. ZK 62, pages 130-131 Réédition révisée et augmentée. L'Harmattan 2005
DISCOGRAPHIE BWV 144
Les numéros 1] et suivants indiquent la chronologie discographique établie par Aryeh Oron (BCW).DURÉE: Koopman (12'12). Leonhardt (13'55). Leusink (14'11).Neumann (16'). Rilling (13'57). Ramin (16'57). Suzuki (12'57)BACH CANTATAS WEBSITE: Discographie établie par Aryeh Oron et complétée, autant qu'il ait été possible, par [CR]6 références (février 2000 - janvier 2006) + 9 mouvements individuels (février 2000 - juillet 2006)Exemples musicaux
3] LEONHARDT. Knabenchor Hannover. Collegium Vocale Gent (Ph. Herreweghe). Leonhardt Consort. 1984Disque (D). Teldec Coffret 91762. Das Kantatenwerk - Sacred Cantatas, Volume 8 Disque Teldec Das Kantatenwerk [Vol. 35]. 6.35653-00-501-503. 1984 CD Teldec 2292-42630-2. 1984 [Vol. 35] Reprises CD Teldec. Edition Bach 2000 (coffret) et Intégrale Warner Classics (volume 44) 8573-81166-5. 2007 4] KOOPMAN [Vol. 7]. The Amsterdam Baroque Orchestra & Choir. Amsterdam, septembre - octobre 1997Erato 3984-23141-2. 1998. Second tirage sous label Antoine Marchand. 2003. 5] LEUSINK. Holland Boys Choir / Netherlands Bach Collegium. Octobre-novembre 1999 CD Bach Edition. CD Brilliant Classics Vol. 9 - Cantatas Vol. 4 Reprise CD Bach Edition 2006. CD Brilliant Classics III 93102/19-65. Avec les cantates BWV 116, 13. 1] RAMIN. Thomanerchor Leipzig. Gewandhausorchester Leipzig. Enregistré en février 1952 Disque Corona (?) [Ex RDA] VEB, avec BWV 92 Disque Eurodisc 89.827. Coffret (volume 2) de 5 disques. Avec BWV 24, 65, 78, 92, 95, 119, 138, 144, 177CD Berlin Classics 090932BC. Historische Aufahmen mit Günther Ramin. Coffret de 9 CD. 1997. Avec BWV 72, 92CD « Cantatas II - Bach in Germany ». Vol. I/3. A Leipzig Classics 001803 2BC. 1999. Avec BWV 72, 92 2] RILLING. Gächinger Kantorei Stuttgart. Bach-Collegium Stuttgart. Septembre 1978 Disque Die Bach Kantate. Hänssler Classic. Laudate 98702. Avec BWV 67 CD. Die Bach Kantate [Vol. 25]. Hänssler Classic. Laudate 98.876. 1978-1990. Avec BWV 125 et 81 CD Hänssler edition bachakademie [Vol. 45]. Hänssler-Verlag 92.044. 2000 6] SUZUKI [Vol. 17]. Bach Collegium Japan. Mars 2001 Kobe Shoin Women's UniversityCD BIS CD-1221 Digital. En France, mars 2002. Avec BWV 153, 154, 73, et 181
MOUVEMENTS INDIVIDUELS BWV 144M-1. Mvt. 2]. Rudolf Barshai. Moscow Chamber orchestra. Zara Dolukhanova, mezzo-soprano. Disque Melodya. 1958 M-2. Mvts. 1 et 6]. Hans Pflugbeil. Greifswalde Bach Tage Choir. Bach-Orchester Berlin.Disque Baroque Music Club. Fin des années 1950, début des années 1960. Reprise en CD « Soli Deo Gloria », vol. 9M-3. Mvt. 3]. Herman Kreutz. Bachchor Gütersloh. Disque Cantate. Juin 1968. Reprise en CDM-4. Mvt. 5]. Elly Ameling + Hautbois. Utrecht (H). CD EMI. Juillet 1983M-5. Mvt. 5]. Ensemble avec Lucia Swarts et Siebe Henstra. Soprano: Nienke Oosterrijk + Hautbois CD Vanguard Classics puis Challenge Classics. Juin et juillet 1998M-6. Mvt. 5]. Mark Stephenson. London Musici. Soprano: Inessa Galante. CD Campion. 1999 M-7. Mvt. 3 et 6]. Nicol Matt. Nordic Chamber Choir. Soloists of the Freiburger Barockorchester. Juin 1999CD Brilliant Classics / Bayer Records. Bach Edition, volume 17. Oeuvres vocales, volume IIReprise Bach Edition 2006 VOIRM-8. Mvt. 5]. Soprano: Ruth Rosique + orgue, basson et contrebasse. CD Ars Armonica. Octobre 2000M-9. Mvt. 1]. Jörg Straube. Norddeutscher Figuralchor. CD Thorofon CTH 2481/2. 2003
ANNEXE BWV 144PHILIPP SPITTA
SPITTA, Philipp: Johann Sebastian Bach. Sous-titré: « His work and influence on the Music of Germany 1685-1750 ».Novello & Cy 1889 - Dover 1951-1952. Trois volumes.Volume 2, page 416:
« Dimanche de Septuagésime. La cantate commence par une fugue dans laquelle la façon résolue, voire sévère par laquelle sont rejetées les réclamations des ouvriers demandant un plus juste salaire, est traitée avec une force quasi dramatique. Il est dommage que l'auteur du texte ait traité de manière aussi inadéquate le sens profond de la parabole biblique durégisseur embauchant les ouvriers pour sa vigne, car il n'a rien trouvé de mieux à dire à ce sujet qu'un appel à la modération. Ceci altère nécessairement l'intérêt de l'œuvre. Ce que Bach a fait de ces couplets « ambigus » est en fin de compte rempli d'ingéniosité et de savoir-faire, même si cela ne peut nous émouvoir profondément. Depuis [cette époque] la cantate semble être devenue populaire et son texte a été utilisé par plusieurs autres compositeurs.Note n° 433 : Le premier chœur de cette œuvre de Bach est considéré comme un modèle d'admirable déclamation (Kritische Tonkunst / Marburg). Le début de l'air d'alto [2] est signalé par Sulzer (Allgemeine Theorie - 1779) mais pour une autre exécution. Je n'ai pas [Spitta] obtenu d'autres renseignements à ce sujet. Le « Kritische Tonkunst Marburg », plus haut cité parlait également d'une autre exécution en public ». - Note n° 19, page 680: Partition autographe à la Bibliothèque royale de Berlin. Filigrane « IMK » pour la période s'étendant de 1723 à octobre 1727.
Contributed by Claude Role (July 2008)
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Par lutherien le 21 Décembre 2009 à 16:29
La musique protestante
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Les réformateurs ont voulu faire chanter l'assemblée. Ils ont donc suscité une intense création musicale pour donner aux fidèles un nouveau répertoire : les chorals en milieu luthérien, le chant des psaumes en milieu réformé.
Réforme de la musique religieuseAu début du XVIe siècle, dans l'Église catholique, la musique religieuse était chantée en latin dans le chœur de l'église par des religieux. Les réformateurs ont voulu rendre la musique au peuple, c'est-à-dire faire chanter l'ensemble des fidèles, y compris les femmes.
Le chant d'Église va subir de nombreuses transformations au niveau des textes et de la musique.
Pour faire chanter l'assemblée des fidèles, il faut des chants en langue du peuple. Il faut donc traduire mais aussi adapter les textes pour qu'ils puissent être chantés. On choisit de les mettre en strophes sous forme de poésie métrique, c'est-à-dire avec un certain nombre de pieds.
Les textes sont soit des transcriptions des psaumes de la Bible, soit des compositions nouvelles s'inspirant de la Bible.
La musique
Le chant d'assemblée nécessite de renoncer à la polyphonie qui jouit d'un grand prestige à cette époque. Il faut un chant à l'unisson, avec une seule note par syllabe. Et la mélodie doit respecter les accents toniques de la langue.Les progrès de l'imprimerie dans l'impression de la musique ont contribué à une diffusion rapide de ce nouveau répertoire. Même si tous les fidèles ne savent pas lire et encore moins lire la musique, les nouveaux psautiers ont contribué à l'apprentissage rapide du nouveau répertoire.
Le répertoire est différent selon les courants de la Réforme.
Chez les luthériens
Luther aimait la musique et en a même composé. Aussi la réforme luthérienne s'est-elle montrée très accueillante à la musique.Pour Luther, « Dieu annonce l'Évangile aussi par la musique », l'Évangile c'est-à-dire la Parole incarnée en Jésus-Christ. Luther veut mettre le Christ au centre du culte, c'est pourquoi il fait composer de nouveaux chants prêchant l'incarnation, la croix et la résurrection. Ce sont les chorals luthériens.
Les textes sont répartis en strophes. Ils sont chantés d'abord à l'unisson, puis à quatre voix.
La production de chorals se développe. Le choral le plus célèbre est : « Ein feste burg » ( C'est un rempart que notre Dieu) dont le texte et la mélodie sont de Luther.
Dans l'Église luthérienne, ni les orgues, ni les instruments de musique, ni les chœurs professionnels n'ont disparu. Ceci a permis une très riche production musicale religieuse aux XVIIe et XVIIIe siècles (Schütz, Bach, etc...). Il y aura 5 000 chorals au temps de Jean-Sébastien Bach. En reprenant des chorals dans ses Passions, Bach n'a pas inventé les mélodies, il les a harmonisées.
Dans le courant réformé
Les Réformés sont allés plus loin dans la réforme de la musique, bannissant tout ce qui pouvait rappeler la mainmise du clergé sur la musique religieuse. Ils suppriment les orgues de chœur.
Le chant des fidèles se fait a capella c'est-à-dire sans le soutien d'instrument de musique et à l'unisson. Le répertoire réformé est le chant des psaumes.
Pourquoi les psaumes et seulement les psaumes ?
Parce que les psaumes bibliques sont donnés par Dieu. C'est comme si Dieu les mettait dans la bouche des fidèles pour chanter sa gloire.
Également parce que le culte réformé est centré sur la gloire de Dieu (soli deo gloria) - les psaumes conviennent donc très bien - alors que le culte luthérien, centré sur Jésus-Christ, oblige à créer de nouveaux chants, les chorals.
Lors de son séjour à Strasbourg, auprès de Martin Bucer, Calvin découvre les psaumes chantés en allemand par l'assemblée. Luther a, le premier, l'idée de mettre les psaumes en vers et en strophes, en allemand. Martin Bucer à Strasbourg reprend l'idée pour l'ensemble du psautier. C'est là que Calvin les découvre lors de son séjour dans cette ville. Il s'en inspire et confie à de vrais poètes (Clément Marot et Théodore de Bèze) et de vrais musiciens la mise en vers et en musique du psautier, qui devient le psautier de Genève.
Il y eut d'autres psautiers, ceux de Lausanne, Bâle et Mulhouse, mais celui de Genève est le plus connu du fait de ses qualités poétiques et musicales.
L'absence d'instrument pour guider le chant a conduit Calvin à créer un ministère spécifique pour diriger le chant des psaumes : celui de chantre, dont un des plus célèbres est Loys Bourgeois.
À la fin du XVIe siècle s'est introduit l'usage du chant des psaumes à trois ou quatre parties mais pour l'usage privé, en famille, Claude Goudimel et Claude Lejeune sont les musiciens les plus importants pour l'harmonisation des psaumes.
Mais la production musicale des réformés s'est pratiquement arrêtée à la fin du XVIe siècle.
Bibliographie
Livres
Le psautier français, Fed. Musique et Chant, Réveil Publications, Lyon, 1995
PIDOUX, Pierre, Le psautier huguenot du XVIe siècle, Baerenreiter, Bâle, 1962
REYMOND, Bernard, Le protestantisme et la musique, Labor et Fides, Genève, 2002
WEBER, Édith, La musique protestante en langue française, Honoré Champion, Paris, 1979Notices liées
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Claude Goudimel (v. 1520-1572)
Le chant des psaumes
Psautiers
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Martin Bucer (1491-1551) Siècles
Martin Luther (1483-1546) Siècles
Théodore de Bèze (1519-1605) Siècles Thèmes
Voir aussi
Le chant des psaumes Siècles
Loys Bourgeois (v. 1510-1560) Siècles
Claude Goudimel (v. 1520-1572) Siècles
Claude Le Jeune (v. 1530-1600) Siècles
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Par lutherien le 21 Décembre 2009 à 16:27
J.-S. Bach : de la peinture inconsciente à la vision inspirée
(P. Charru, Ch. Theobald : L'Esprit créateur dans la pensée musicale de Jean-Sébastien Bach, Mardaga, 2002, 311 p.)
Samedi d'Entretemps, Ircam, 18 janvier 2003
Vincent Decleire
1. L'adéquation entre la forme et le contenu
2. Un discours de la méthode ?
3. De la peinture inconsciente à la vision inspirée
4. Désirs et desiderata
1. L'adéquation entre la forme et le contenu
S'il y a quelque chose de remarquable dans le livre que nous présentent Philippe Charru et Christoph Theobald, quelque chose qui confère à cet ouvrage une grande force de conviction, c'est l'adéquation entre sa forme et son contenu, la cohérence entre le fond et la forme, que je voudrais détailler en quatre points.
1) Un axe central du parcours que ce livre propose est que l'Esprit, s'il est l'Esprit du Christ crucifié et l'Esprit du Dieu Créateur, est, quant à lui, sans figure. Comme l'Esprit est sans figure, le choral Kyrie Gott heiliger Geist BWV 671 nous l'évoque comme un rapport dans le temps et dans l'espace entre deux formes, droite et inversée, d'un même thème (p. 225). Cette nouvelle étude est aussi le fruit d'un rapport, fruit d'un dialogue, d'un échange, d'une connivence de longue date entre Philippe Charru, organiste soucieux de théologie, et Christoph Theobald, son inverse, pourrait-on dire, théologien féru d'orgue, animés d'une même admiration pour le génie de Bach. On pourrait leur appliquer ce qu'ils disent eux-mêmes, à propos des duettos de la Clavier-Übung : « Au commencement est la relation » ! (p. 246) Le texte ne distingue pas ce qui est de l'un ou ce qui est de l'autre mais croise leurs propos. À l'écoute d'un même « Insaisissable », il est animé d'un même souffle, respirant entre ce qui appartient au domaine de la théologie et ce qui est du ressort de la musique.
2) Le monde, « dans le cas du baroque luthérien, est d'emblée qualifié théologiquement. » (p. 300) La théologie luthérienne insiste d'abord sur Dieu comme Trinité mais l'orthodoxie luthérienne du dix-septième siècle reprend le thème de la création, comprend cette création « comme œuvre de la Trinité et insiste sur sa raison finale qu'est la reconnaissance et la louange de la bonté de Dieu dans l'Esprit Saint » (p. 26) Au sein de la création, « l'autonomie de l'œuvre musicale et du monde sonore qu'elle déploie n'est nullement en concurrence avec sa visée théologique mais s'avère plutôt impliqué par elle » (p. 300). Toutes ces remarques semblent nous montrer qu'il y a un ordre dans la réflexion luthérienne de cette époque, qui va de la Trinité vers la Création, en conséquence, de la théologie vers la musique. Parce que c'est l'ordre qui semble avoir été suivi par Bach, c'est l'ordre à suivre pour le comprendre. C'est bien cet ordre qui structure la présentation des chorals dans ce nouveau volume, d'abord un commentaire théologique du texte du choral, ensuite et seulement une analyse musicale étayant une interprétation congruente.
3) L'Autographe (P271) se présente comme un ensemble de 17 chorals suivis d'une nouvelle version des Variations canoniques, qui forment pour l'auditeur un parcours, un cheminement, un trajet de conversion, le laissant libre d'adhérer ou non au mouvement de foi qui a sous-tendu sa composition : « il ne sera nullement contraint de poser un acte de foi, au sens chrétien du terme, pour pouvoir bénéficier de l'expérience du beau de façon entièrement désintéressée et éprouver l'unification intérieure de toutes ses facultés dans un phénomène de catharsis. » (p. 303) L'Esprit créateur dans la pensée musicale de Jean Sébastien Bach suit pas à pas ce parcours, en respectant chaque étape, pour guider le lecteur dans l'intelligibilité de ce qui est à comprendre et l'inviter, en ultime conclusion (p. 304), à l'expérience de la simplicité de l'écoute.
4) Dans la Troisième partie de la Clavier-Übung, les 4 duettos, articulés en 2 couples Invention/Fugue, précèdent la Triple fugue, elle-même en lien avec le Prélude inaugural. L'Autographe se termine en tant que manuscrit de Bach avec les Variations canoniques. Dans L'Esprit créateur, l'analyse du Prélude et de la Triple Fugue ainsi que celle des Variations canoniques précèdent la conclusion intitulée « Pour une théologie du style », elle-même en lien avec l'introduction. La surprise induite dans le premier corpus par la présence insolite et apparemment incongrue des duettos et, dans l'autre corpus, l'originalité des transformations canoniques est apportée dans la structure du livre mutatis mutandi par l'interlude sur le nombre dans la musique de Jean Sébastien Bach.
2. Un discours de la méthode ?
Peu d'écrits ont réussi à marier aussi intimement pensée théologique et pensée musicale. C'est le fruit d'une lente élaboration qui a porté à maturité le premier travail d'il y a neuf ans, La pensée musicale de Jean-Sébastien Bach (Cerf, 1993). Malgré cette réussite, les auteurs restent modestement conscients de l'immensité du chantier : « Faute de pouvoir entreprendre un travail d'une telle ampleur, on doit se contenter, pour le moment, de sondages plus restreints. » (p. 219) Leur désir se tourne encore et toujours vers l'œuvre du Cantor, et pour cette exploration, il y aurait déjà une question de méthode à traiter. Mais n'y a-t-il pas un chantier plus vaste encore qui est celui de toutes les autres musiques ? La question de la méthode devient plus cruciale. D'où cette question : quelle est la méthode si fructueuse qui a été employée ici et est-elle transposable pour des compositeurs autres que Bach ? Y a-t-il une méthode ou plusieurs méthodes pour une telle interdisciplinarité ? Plusieurs pistes de réponse semblent possibles, qui se recoupent entre elles.
1) La première piste est résolument optimiste et très générale. La méthode employée dans ce livre pour Jean-Sébastien Bach se montre comme intimement liée au contenu de l'œuvre. Pour chaque compositeur doit se découvrir une méthode en adéquation avec le contenu de l'œuvre. Il faudrait poser qu'en principe, une telle démarche heuristique est possible dans tous les cas.
2) La seconde piste est très semblable à la première mais est soit résolument pessimiste soit modérément optimiste. Bach est une figure exceptionnelle à plus d'un titre : il avait fait lui-même de la théologie et en a été imprégné à longueur d'années par la liturgie ; on connaît la composition de sa bibliothèque ; il s'est situé avec constance dans un sillage théologique connu, celui de l'orthodoxie luthérienne ; à défaut de connaître la pensée théologique de Bach, on peut s'appuyer sur celle d'un auteur où il se complaisait, Luther ; Luther avait une théologie de la musique. On peut dès lors estimer que pour aucun autre compositeur, tous ces facteurs sont présents et qu'on ne pourra jamais en parler sur le même mode avec la même rigueur. Ou estimer que la présence d'une partie seulement de ces facteurs chez tel compositeur permet déjà un travail sérieux : à notre époque, il s'agirait de Messiaen, par exemple, qui cite lui-même des extraits de la Somme Théologique de Thomas d'Aquin ou d'autres théologiens ou auteurs spirituels.
Il y aurait une autre façon de formuler cette deuxième piste. Pour que soit possible un travail interdisciplinaire entre théologie et musique, il faut et il suffit que soit possible la mise en relation d'une pensée musicale et d'une pensée théologique. Il faut donc juger en fonction de la biographie, des écrits, de l'œuvre de tel compositeur s'il y a une pensée musicale et une pensée théologique.
3) La troisième piste serait de lier le rapport théologie/musique au rapport texte/musique sur le modèle de l'analyse d'un choral. Dans L'Esprit créateur dans la pensée musicale de Jean-Sébastien Bach, il est clair que cela n'a pas suffi : il a été besoin en amont d'un apport théologique autre que le seul commentaire des textes ; en aval, il y a eu débordement sur une musique instrumentale sans rapport avec le cantus firmus de chorals. Pour amorcer un travail interdisciplinaire entre musique et théologie à propos d'un compositeur, il faudrait et il suffirait de partir de celles qui, parmi ses œuvres, mettent en musique un texte liturgique ou religieux ou « sacré ».
4) La quatrième piste s'appuierait sur ceci. L'orthodoxie luthérienne « comprend la création comme œuvre de la Trinité et insiste sur sa raison finale qu'est la reconnaissance et la louange de la bonté de Dieu dans l'Esprit Saint. » (p. 26) La note 15 de bas de page ajoute cette précision qui dit une perspective inversée : « Dans la théologie catholique post-tridentine, on établit d'abord une théologie naturelle accessible à tous, avant d'ouvrir, à partir de ce préliminaire (praeambula fidei), l'accès à la Révélation surnaturelle. » Il avait été noté plus haut que dans l'orthodoxie luthérienne, l'ordre de réflexion allait de la Trinité vers la Création, partant, de la théologie vers la musique. En monde catholique, la conséquence de la perspective inversée serait un ordre de réflexion qui irait de la Création vers la Trinité, partant, de la musique vers la théologie. Il faudrait se demander alors ce que signifierait établir la théologie naturelle d'une œuvre musicale et dans quelle mesure il faudrait réserver cette méthode à des œuvres musicales issues de la sphère catholique. N'est-il pas significatif que cette orientation inversée du travail a été approchée par Philippe Charru dans l'analyse des 4 duettos purement instrumentaux : « Il convient donc d'analyser en détail chacun des quatre duettos et d'examiner ensuite la manière dont ils s'inscrivent dans l'ensemble de cette architecture. » (p. 223) ?
Il y a beaucoup d'autres pistes certainement encore...
3. De la peinture inconsciente à la vision inspirée
L'importance de tout travail de réflexion de cette envergure se mesure à l'aune de l'histoire de la pensée. Le premier qui, dans l'histoire, a attiré l'attention sur les textes des chorals de Bach et sur l'existence d'une très grande cohérence dans le rapport texte/musique, est le pasteur Albert Schweitzer dans son livre J.-S. Bach le musicien poète. Relire ce qu'il dit (plus spécialement la quatrième partie et le chapitre XXVIII) à la lumière du travail de Philippe Charru et Christoph Theobald permet d'apercevoir à la fois la justesse des points qu'il touche, son incapacité à déjà toucher ces points d'une façon juste, et le chemin parcouru depuis près de cent ans. Il ne peut être question ici d'être exhaustif mais d'essayer de faire goûter ce contraste. Il n'est pas peu paradoxal de comparer ainsi le travail d'un pasteur protestant qui insiste tant sur le côté visuel, plutôt connoté catholique, et celui de personnalités catholiques qui mettent en lumière le côté auditif plus typiquement luthérien !
D'un côté, Bach comme tout artiste traduit sa vie intérieure, ses rêves intérieurs. De l'autre, Bach est à l'écoute de l'Esprit Saint. D'un côté, il est dit qu'« il y a du peintre dans tout musicien ». « La musique descriptive est légitime puisque la peinture et la poésie sont comme les éléments inconscients, sans lesquels le langage des sons ne se concevrait pas. » De l'autre, les musiciens et les compositeurs sont appelés « prophètes et visionnaires » par les exégètes Calov et Olearius (p. 53 ; p. 219 ; p. 300 ; cf. 1 Co 14). D'un côté, on insiste sur la vision matérielle et sur les sens corporels : « La poésie de la nature dans son œuvre n'est point lyrique, comme chez Wagner : elle est plutôt vue que sentie. Ce sont des tourbillons de vent, des nuages qui s'avancent à l'horizon, des feuilles qui tombent, des vagues qui s'agitent. » De l'autre on insiste sur le Dieu caché, l'Invisible, l'Esprit sans figure et on rapporte ce témoignage de Goethe, après une écoute de pièces du Clavier bien tempéré : « un mouvement se produisait à l'intérieur de moi, et il me semblait que je n'avais pas d'oreilles, encore moins d'yeux, ni aucun autre sens, et que je n'en avais pas besoin. » (p. 299 note 1). D'un côté, on se focalise sur l'inconscience de l'instinct pictural avec ce paragraphe significatif :
« Bach a-t-il eu conscience de cet instinct pictural ? Il ne semble pas guère. On ne trouve, à notre connaissance, dans ses confidences à ses élèves, aucune allusion qui permette de l'affirmer. Le titre de l'Orgelbûchlein annonce bien qu'il s'agit, en l'espèce, de chorals modèles, mais il ne dit pas qu'ils sont typiques précisément parce qu'ils sont descriptifs. Et puis toutes les parodies qu'il fit de ses œuvres, supprimant ainsi les intentions picturales de sa propre musique, ne sont-elles pas là pour attester que l'instinct descriptif, chez lui, était inconscient ? [...] [Bach] était inconscient quant à l'importance qu'a dans son œuvre la musique descriptive ; mais, dans sa façon de discerner les sujets à traiter et dans le choix des moyens, il est d'une clairvoyance absolue. »
De l'autre côté, on met l'accent sur la prise de conscience progressive, sur la conversion du cœur comme révélation de l'Esprit Saint à l'œuvre dans la Création.
Une autre façon de goûter la différence et l'évolution sur un siècle serait de comparer les deux types de commentaire sur un même fragment d'œuvre. Le 3e verset du Choral O Lamm Gottes unschuldig BWV 656 offre cette opportunité.
Voici le commentaire de A. Schweitzer, plus descriptif, psychologisant, concret :
« C'est donc [cette troisième partie] que le maître va modeler en musique. La description devient saisissante au moment où apparaît le motif tiré de la mélodie qui correspond aux paroles « Tous nos péchés, tu les as pris sur toi. » Ce motif revient encore dans toutes les voix, pour évoquer la multitude des péchés de l'humanité qui composent le lourd fardeau du Seigneur. Puis vient la phrase : « Sans toi, il nous faudrait désespérer » reproduite à l'aide du motif chromatique. Elle se termine comme un cri de désespoir. Mais soudain, avec le « dona nobis pacem », les gammes bien connues des chorals sur l'apparition des anges font leur entrée. C'est que le mot « paix » évoque aux yeux du maître la vision des anges qui chantent « in terra pax », et l'« Agnus Dei » se termine par une cadence ascendante, comme certaines versions du Gloria. »
Voici le commentaire de Philippe Charru et Christoph Theobald, plus long, plus musical, plus théologique, plus abstrait certainement (p. 128) :
« La plume de Bach retrouve ici la rhétorique du phrasé pesant des chorals de la Passion, mais surtout l'écriture en forme de chiasme, en particulier dans le troisième verset, où il croise magistralement les voix du haut et celles du bas, signifiant ainsi le mouvement d'abaissement du Christ en qui l'homme pécheur est élevé. En prenant sur lui le péché de l'homme, l'Agneau innocent sauve l'homme de son péché. Tel est l'« admirable échange » que Bach contemple sur la Croix où il découvre la forme définitive de la contradiction assumée par le Christ, innocent-immolé, patient-méprisé.
L'harmonie fait écho au retentissement affectif de ce mouvement d'intériorisation, qui a lieu à la faveur de la répétition du cantus firmus. Au terme, ce mouvement conduit jusqu'au désarroi de celui qui, devant le poids et l'universalité du péché, prend conscience qu'il est lui-même impliqué. « Tout péché tu l'as porté, sinon il nous faudrait perdre cœur ». Alors la texture soudain se déchire : un chromatisme généralisé des plus tendus affecte toutes les voix jusqu'au cantus firmus lui-même, tandis que l'introduction d'une cinquième voix chromatique et syncopée finit par saturer l'espace. Bach nous a conduits jusqu'en un lieu extrême de « dé-création » et de déréliction.
Mais en réalité, Bach, interprète attentif de l'auteur du cantique, sait que le cri libéré par cette prise de conscience est tout autant celui du désespoir que celui de la naissance nouvelle. C'est pourquoi cette prise de conscience peut se faire humble prière et trouver ainsi le chemin de la paix. Les dernières mesures rayonnent cette paix dans les harmonies diatoniques retrouvées et le dessin d'un motif linéaire unique, présenté sous deux formes ascendante et descendante, reliant avec aisance et douceur l'en-haut et l'en-bas. « Donne-nous la paix, ô Jésus ». »
Le travail de A. Schweitzer garde une intuition forte qui n'a pas été assimilée, celle d'analyser conjointement le langage des chorals et celui des cantates. Que s'est-il passé entre la période de Weimar, celle de l'Orgelbüchlein et des premières versions de l'Autographe, et les grands recueils de la maturité, si ce n'est le gigantesque travail des cantates, extraordinaire laboratoire d'expérimentation ?
Philippe Charru et Christoph Theobald soulèvent la question du « choral comme centre de gravité de l'œuvre de Bach » (p. 217). On peut verser à ce dossier, par exemple, le fait que l'Ouverture en Ut M. n° 1 BWV 1066 est basé sur le choral Dir, dir, Jehova, will ich singen BWV 299. Pour fonder cette hypothèse, la seule analyse des chorals pour orgue ne suffit pas, les sondages proposés restent insuffisants : on ne peut faire l'économie de l'analyse des chorals dans les cantates.
4. Désirs et desiderata
La critique est aisée mais l'art est difficile : le travail d'analyse musicale présenté ici est impressionnant ! Néanmoins j'aurais aimé que, pour certains chorals, l'analyse approfondisse davantage certaines questions. Par exemple :
Komm, Heiliger Geist alio modo BWV 652
L'analyse parle à propos de la coda ou section J (cf. p. 89) de vocalité virtuose (p. 90) ou d'un changement de style (Toccata typique de l'école de l'Allemagne du Nord p. 91) en lien avec « la vraie louange chantée ». Philippe Charru, si sensible d'habitude à la question des points culminants de la mélodie, ne dit rien sur le fait que l'ornementation va couvrir deux octaves allant jusqu'au sol aigu jamais atteint jusque-là tandis que la basse au Pédalier va du Ré aigu au do le plus grave situé à la fin de l'œuvre pour la cadence plagale terminale. N'y a-t-il pas là un « balayage de l'espace sonore » et une descente à interpréter aussi ?
Nun komm, der Heiden Heiland I BWV 659
L'ornementation, plus caractéristique de l'école du Nord, est liée « à l'expression des mouvements de la subjectivité » (p. 45), donc au sujet. Cette note est rappelée régulièrement, mais sans jamais être détaillée. Dans la première version du choral de l'Avent, il semble que non seulement chaque phrase du choral est ornée mais aussi tropée par du matériel ajouté, quelques mesures supplémentaires favorisant des progressions. Qu'est-ce que cela signifie si le cantus firmus est figure symbolique de la Parole de Dieu et si l'ornementation est perçue comme trace de l'émergence du sujet ?
Après ces petits desiderata, concluons par « la respiration absolument singulière » d'un désir (p. 66) et souhaitons qu'une « biographie stylistique » de Bach (p. 219) et de multiples autres travaux allant dans cette même direction voient le jour !
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Par lutherien le 12 Décembre 2009 à 08:43
Dominique AMANN
Le Chant de la Passion
La Passion de Jésus-Christ ― événements de son supplice et de sa mort ―
n’occupe que les deux dernières journées de sa vie terrestre : le jeudi, « jour
des pains sans levain », Jésus prend son dernier repas avec ses disciples et,
par suite de la trahison de Judas, est arrêté ; le vendredi, Jésus est jugé,
condamné à mort, livré au supplice de la crucifixion et il expire « vers la
neuvième heure ».Ces deux journées ― dans une vie de trente-trois années et un ministère
public de trois années ― font l’objet d’un récit très développé dans les quatre
Évangiles : deux chapitres sur vingt-huit chez Matthieu, deux sur seize chez
Marc, deux sur vingt-quatre chez Luc et deux sur vingt chez Jean.
La tradition historique des Églises
Dès le quatrième siècle de la chrétienté, l’usage fut établi de lire les chapitres
de la Passion pendant les offices religieux de la semaine précédant le dimanche
de Pâques, et même de les chanter.
Au milieu du Ve siècle, le pape Léon le Grand décréta que l’on lirait les deux
chapitres de Matthieu pendant les messes du dimanche des Rameaux et du
Mercredi saint et ceux de Jean le Vendredi saint. Deux siècles plus tard,
c’est la passion selon Luc qui était lue le mercredi et, au dixième siècle, celle
de Marc le mardi.
Le chant de la Passion fut pratiqué selon des modalités très diverses au
cours des époques.
Jusqu’au XIIIe siècle ― les manuscrits les plus anciens remontent au IXe
siècle ― le texte évangélique était chanté par un soliste, selon les techniques
vocales de la cantillation ou de la psalmodie, c’est-à-dire selon des schémas
musicaux très simples, accessibles à tous les chantres : chant essentiellement
développé sur une seule note, avec quelques inflexions de la voix ou
cadences musicales à la fin des phrases. En général, un chantre récitait
ainsi les sections narratives et un autre les paroles de Jésus, tandis que les
cris de la foule étaient lancés par quelques personnes ou l’assemblée des
fidèles.
La polyphonie fut utilisée à partir du XVe siècle. Dans les « passions responsoriales
», la narration des événements restait l’apanage d’un chantre
psalmodiant et la polyphonie était réservée aux paroles de Jésus et aux
interventions de la foule. Dans les « passions-motets », tout le texte était
chanté en polyphonie : c’est ainsi que furent écrites les quatre passions
composées par Roland de LASSUS.
Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, les « passions dramatiques »
marquèrent le début de l’évolution vers le genre de l’oratorio : l’oeuvre
musicale fut composée sur un « livret » qui, du moins pour les parties
narratives, ne suivait plus exactement le texte évangélique (cf. les trois
passions de Heinrich SCHÜTZ : Historia des Leidens und Sterbens…).
Au XVIIe siècle, le chant de la passion n’était plus pratiqué que dans les
pays de langue germanique et, au XVIIIe siècle, il y connut son apogée artistique
― mais aussi sa disparition ― avec les grandes « passions liturgiques »
des Églises luthériennes.La tradition luthérienne
À l’instar de l’Église romaine, les Églises luthériennes, dès les débuts de la
Réforme, avaient établi la tradition du chant des textes évangéliques de la
Passion. Le récitatif monodique des premières années s’enrichit vite de la
polyphonie, les textes sacrés furent interpolés de textes poétiques ou de chants
d’église et les instruments apportèrent leurs sonorités. Si bien qu’au début
du XVIIIe siècle, les passionsmusick étaient devenues des oeuvres musicales
aux vastes proportions, mobilisant d’importants moyens d’exécution.
Ce nouveau genre connut un tel succès que chaque église voulut avoir ses
Passions et les cantors furent mis à contribution.
À Leipzig, il était ainsi de tradition de chanter le texte de Matthieu le
dimanche des Rameaux et celui de Jean le Vendredi saint. En 1717, les
autorités permirent de rajouter des textes aux récits évangéliques. La
première « passion en musique » à Leipzig fut celle de Marc, mise en musique
par Johann KUHNAU et interprétée en 1721 ; puis la tradition s’en poursuivit
les années suivantes, alternativement à l’église Saint-Thomas et à Saint-
Nicolas. Ce chant de la Passion était intégré à l’office des Vêpres du Vendredi
saint : il se déroulait en deux parties, séparées par la prédication.
Les Passions appartenant à cette tradition ne sont pas des opéras : ce
genre n’était guère prisé par les adeptes de la nouvelle religion et l’Opéra de
Leipzig avait été fermé en 1720. Toute théâtralisation en était bannie ainsi
que la représentation par des acteurs. Par contre, la « dramatisation » apportée
par le récit des événements, la peinture des caractères des personnages
et l’utilisation de la musique n’avait pour but que de saisir les auditeurs et
de les porter à la méditation.
Elles ne constituent pas, non plus, des oeuvres de concert, comme pourraient
le donner à penser les interprétations contemporaines et les enregistrements
sur K7 et CD.Elles diffèrent également de l’oratorio qui, s’il participe d’une inspiration
religieuse ― généralement biblique ―, relève plus du concert.
Ces Passions tirent leur spécificité de leur usage liturgique : conçues
comme partie intégrante du rituel de l’Office divin, elles devaient proclamer
les textes inspirés et inviter les fidèles à les méditer et à entrer dans le plan
de salut offert par Dieu à ses créatures.
Les Passions de Jean Sébastien BACH
C’est dans ce contexte que Jean-Sébastien BACH composa ses Passions.
Cinq lui furent attribuées dans sa première nécrologie, mais deux seulement
nous sont parvenues en entier.
— La Johannes-Passion, créée le 7 avril 1724 en l’église Saint-Nicolas, fut
reprise avec des modifications en 1725, 1730, 1739 ; sa version « la plus
définitive » date de 1746-1749. Le livret, d’un auteur inconnu, est assez
hétéroclite et détermina BACH à tenter divers essais de mise en partition.
L’oeuvre finale est peut-être formellement moins grandiose mais plus proche
du texte évangélique et d’une piété plus intimiste, invitant au recueillement
et à la méditation.— La Matthäus-Passion, mystique et grandiose, est la plus considérable ;
elle fut créée le 17 avril 1727 et reprise avec différentes modifications en
1729, 1736 et 1744. Le livret du poète Christian Friedrich HENRICI (1700-
1764), dit « Picander », est homogène et remarquablement construit, et BACH
y a dicté le choix des chorals. La partition requiert deux choeurs à quatre
voix et deux orchestres, disposés sur les deux tribunes se faisant face de
part et d’autre de l’autel dans l’église Saint-Thomas de Leipzig.
Ces deux oeuvres appartiennent au genre de la « passion liturgique » : il
s’agit de compositions monumentales, construites autour du récit évangélique,
fondamentalement religieuses dans leur inspiration et leur écriture car
destinées aux offices de la semaine sainte.
Le récit évangélique est strictement respecté : un soliste ténor ― appelé
evangelist car il personnifie le rédacteur du texte ―, soutenu discrètement
par l’orgue et une basse d’archet, récite les parties narratives sur des mélodies
toujours sobres, laissant la primauté non à l’habileté du chanteur ou à
des effets musicaux particuliers mais au sens profond du texte, ainsi mis en
valeur et comme amplifié par une expression musicale seulement destinée à
donner toute sa force au message biblique ; le Christ ― toujours incarné par
une basse ― s’exprime dans un style plus déclamatoire où l’élan lyrique fait
surgir la vérité prophétique, sur un accompagnement plus riche fourni par
l’ensemble des cordes ; les groupes de personnages ― disciples amis ou foule
hostile et vociférante ― sont mis en scène par les choeurs chantant à quatre
voix.
Le texte canonique est complété de récitatifs et airs poétiques, insérés
dans le cours du récit : commentaires développant le récit et soulignant son
sens littéral, invitations à la méditation et à la contrition.
Enfin, selon la tradition luthérienne, des cantiques du répertoire local ―
kirchenlieder (chorals) ― expriment la participation et la piété des fidèles.
Et les instruments ― accompagnant les voix ou jouant seuls ― apportent à
l’ensemble toutes leurs sonorités variées pour enrichir la dimension dramatique
et tragique des événements, exciter la foule hostile, exprimer les souffrances
de Jésus et inviter les fidèles à la prière et à la méditation.
Le texte évangélique étant bien connu, l’originalité du contenu de ces Passions
réside dans les « textes ajoutés », dont la spiritualité va être développée
d’après la Passion selon Matthieu.
La première partie de la Matthäus-Passion correspond au chapitre 26 de
Matthieu, depuis le complot ourdi contre Jésus (versets 1-5) jusqu’à l’arrestation
de Jésus et la fuite de ses disciples (versets 47-56).
Commentant le dialogue des choeurs évoquant Jésus souffrant, des voix
d’enfants entonnent le choral luthérien si célèbre O Lamm Gottes : « Ô
innocent Agneau de Dieu, immolé sur le bois de la Croix, toujours patient
quoique traité par le mépris, tu as porté tous nos péchés ». Et, après que
Jésus ait annoncé son arrestation (26.1-2), le choral Herzliebster Jesu
exprime la compassion de l’assemblée de fidèles : « Bien-aimé Jésus, quelle
faute as-tu commise pour que l’on prononce contre toi une sentence si
dure ? Quelle est ta faute ? Pour quel crime es-tu jugé ? ». Ainsi, d’emblée, le
chrétien est-il plongé au coeur du drame de la Passion de Jésus, innocent de
toute faute mais livré au pire supplice.
Puis, commentant l’attitude des apôtres critiquant le geste de la femme
répandant du parfum sur Jésus ― qui en profite pour renouveler l’annonce
de sa mort (26.10-13) ― un récitatif d’alto propose aux fidèles cette
méditation : « Ô mon Sauveur bien-aimé, quand tes disciples se disputent
sottement parce que cette femme pieuse avec des aromates prépare ton corps
destiné au tombeau, laisse-moi verser des larmes comme un parfum sur ta
tête », immédiatement suivie d’un aria exprimant le repentir du pécheur :
« Pénitent et repentant, se brise le coeur pécheur… ».
L’evangelist poursuit son récit : trahison de Judas (26.14-16), repas de la
Pâque (26.17-20) et annonce par Jésus de la trahison de Judas (26.21). Les
disciples lui demandent : « Serait-ce moi ? » et le choeur, se faisant l’interprète
de la contrition des pécheurs repentants, chante : « C’est moi ; je devrais
expier, pieds et mains attachés, en enfer. Le fouet et les liens et ce que tu as
enduré, c’est mon âme qui le méritait. »
Le récitatif de soprano commente l’institution de la Cène (26.26-29) : « Sa
chair et son sang, trésors inestimables, il les remet entre mes mains... » et
l’aria, sur une mélodie presque dansante, exprime l’élan du chrétien : « Je
veux t’offrir mon coeur… ».
Au Jardin des Oliviers, Jésus ayant annoncé la dispersion (26.31-32), le
choeur entonne la cinquième strophe d’un des plus célèbres chorals de la
tradition luthérienne O Haupt voll Blut und Wunden (Ô visage ensanglanté et
meurtri) ― oeuvre de Paul GERHARDT (1656), qui apparaît à six reprises dans
cette Passion ― : « Reconnais-moi mon berger, mon berger accueille-moi ; de
Toi, source de bontés, me vient tout bienfait ». La sixième strophe du même
choral reprend en écho les protestations de fidélité des apôtres (26.33-35) :
« Je veux rester près de Toi, ne me méprise pas… ».La prière de Jésus à Gethsémané et le sommeil des apôtres (26.36-46)
sont encore l’occasion de profondes méditations : « … mes péchés ont causé
sa perte… Hélas, Seigneur Jésus, je suis responsable de tes souffrances ! »,
suivies des plus fervents engagements : « Je veux veiller près de mon Jésus,
ainsi s’endormiront mes péchés… » et « De bon gré je me soumettrai à la
Croix et au calice… ». Et la nuit s’achève sur le choral Was mein Gott will,
das g’scheh’ allzeit : « Que la volonté de mon Dieu soit accomplie en tout
temps, sa volonté est la meilleure, il est prêt à aider celui qui croit en lui ».
L’evangelist narre le récit de l’arrestation de Jésus (26.47-55) et la fuite
des apôtres (26.56) et la première partie s’achève sur le grand choral de
Sebald HEYDEN O Mensch bewein’ dein Sünde groß : « Ô homme, pleure ton
grand péché, pour lequel Christ vint sur terre… ».
Le sermon qui intervenait alors ne pouvait que se faire l’écho de cette longue
méditation sur les souffrances du Juste, de l’Agneau innocent injustement
livré au supplice pour des fautes qu’il n’a pas commises, appeler les chrétiens
à se reconnaître pécheurs et les inviter au repentir.
La seconde partie de cette Passion est plus narrative. L’evangelist y est
omniprésent et la primauté est ainsi donnée au récit canonique. Les épisodes
tragiques du long supplice s’y succèdent inexorablement : la comparution chez
Caïphe et les premiers outrages (26.57-68), le triple reniement de Pierre
(26.69-75), les remords et le suicide de Judas (27.3-10), la comparution
devant Pilate, la flagellation et les quolibets (27.11-31), la crucifixion (27.32-
44), la mort (27.45-50) et la sépulture (27.57-66).
Chaque événement est ponctué de diverses manières :— quand Jésus garde le silence devant le grand-prêtre (26.63), le récitatif
du ténor explique son attitude : « Il nous montre ainsi que sa volonté
miséricordieuse est de souffrir pour notre salut ; et dans cette agonie, nous
devons être comme lui et nous taire pendant les persécutions » ; il est suivi
d’un aria invitant le chrétien à la patience et à l’indulgence (Geduld) ;— lors des premiers outrages (20.67-68), le choral Wer hat dich so
geschlagen : « Qui t’a ainsi frappé, mon Sauveur… tu n’es pas un pécheur
comme nous et nos enfants, du crime tu ne connais rien » exprime la
compassion des chrétiens ;— après le troisième reniement de Pierre (26.75), l’aria de l’alto exprime
ses regrets : « Aie pitié de moi, mon Dieu… mon coeur et mes yeux pleurent…
aie pitié de moi » et le choral Bin ich gleich von dir gewichen met dans le coeur
des fidèles la certitude du pardon : « ta miséricorde et ta clémence sont plus
grandes que le péché qui m’habite en permanence » ;— le silence de Jésus devant Pilate (27.11-14) appelle le si beau choral
Befiehl du deine Wege : « Confie ton chemin et ce qui blesse ton coeur aux
soins toujours fidèles de celui qui régit les cieux… Il trouvera le chemin où
tes pieds pourront marcher » ;— et quand Pilate remet Jésus aux Juifs (27.26), c’est un récitatif poignant
de l’alto qui tente d’arrêter l’enchaînement fatal : « Dieu, aie pitié de lui !…
bourreau, arrête ! ».
Après le couronnement d’épines (27.29), c’est à nouveau le choral luthérien
O Haupt voll Blut und Wunden qui invite les fidèles à contempler le douloureux
visage : « Ô visage ensanglanté et meurtri, plein de douleur et de moqueries,
ô tête coiffée par dérision d’une couronne d’épines ! ».
Quand Simon de Cyrène est requis (27.32) et quand Jésus est crucifié,
deux récitatifs-arias invitent le chrétien à accepter la souffrance et la mort :
« Viens, douce croix, mon Jésus, donne-la moi… Voyez, Jésus a les bras
étendus pour nous saisir, venez ! »
Le choral de GERHARDT est à nouveau repris lors de la mort Jésus (27.50) :
le chrétien implore Jésus de l’assister quand viendra sa dernière heure.
Puis la garde est disposée devant le tombeau. Les quatre solistes — soprano,
alto, ténor et basse — entonnent à tour de rôle une courte méditation qu’à
chaque fois le choeur conclut par Mein Jesu, gute Nacht ! : « Mon Jésus,
bonne nuit ! ».
Et la Passion se termine avec le choeur « Repose en paix, en paix repose »
où la tombe est décrite comme le lieu de l’ultime repos après toutes les
souffrances de l’existence.Après ce parcours — trop rapide pour une oeuvre aussi monumentale et
dense — il apparaît mieux comment la liturgie luthérienne commémorait,
chaque année, la Passion du Christ : la déclamation musicale donnait sa
force et son relief au texte révélé dont l’audition était la trame de la cérémonie
; les ajouts poétiques et les cantiques d’église, à chaque étape de la
narration, invitaient les chrétiens à compatir aux souffrances de l’innocent
châtié, à s’identifier à Jésus souffrant, à ressentir les tourments et les affres,
à penser à leur propre mort. Les fidèles étaient appelés, selon la tradition
piétiste, par des textes d’une grande sensibilité affective et émotionnelle, à
remplacer les froides connaissances dogmatiques par une expérience
religieuse personnelle, un vécu de souffrance morale et de désarroi
débouchant sur l’expérience vécue de la conversion intérieure.
Alors, chers lecteurs, après ces quelques lignes, écoutez à nouveau ces
oeuvres musicales, non point comme au concert ou pour le plaisir d’une
émotion seulement artistique, mais selon les intentions liturgiques de leurs
auteurs.
DOMINIQUE AMANN
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Par lutherien le 1 Décembre 2009 à 09:15
GEORG FRIEDRICH HAENDEL
DIXIT DOMINUS HWV 232
"Du sein de l'aurore, ta jeunesse vient à toi comme une rosée" (psaume 109)
L'Europe et le sacré vers 1710
La montée de l'exubérance
Les oeuves oeuvres élaborées entre 1707 et 1714, sont à une période charnière de l'évolution du sacré en musique dans l'Europe Occidentale au seuil des fractures religieuses.
De 1685, date de la Révocation de l'Edit de Nantes, à 1718 année de la mort de Leibniz et accessoirement aussi, un an avant, de Louis XIV, l'Europe aura vu la révolte des protestants de France, la montée puis le schisme du jansénisme, et la toute puissance du mouvement piétiste en Allemagne.Suivant les cours et les chapelles l'on servait la parole forgée au feu biblique de Luther ou les ors des fêtes solennelles catholiques. Et les mêmes musiciens passaient d'un style à l'autre suivant les tourmentes ou les contraintes de l'histoire d'un jour.
Deux oeuvres sont écrites sur un texte latin (Haendel, Vivaldi), l'autre est basée sur un texte allemand de Martin Luther.L'oeuvre austère de Bach date de 1707/1708, l'hymne flamboyant d'un jeune saxon, Haendel, gambadant à 21 ans en Italie date exactement de la même année, et enfin le Gloria de Vivaldi date lui soit de 1714 soit plus vraisemblablement de 1716. Entre ces trois instants musicaux peut se faire un raccourci de ce moment de passage entre la musique qui rend grâce au Seigneur et veut éduquer l'auditeur et celle qui est en train de naître qui sera elle représentation et fascination.
Entre "l'oeuvre-fossile" de Bach issue des profondeurs de l'océan du passé, et celles flamboyantes et italiennes de Haendel et de Vivaldi, la lumière a changé même si chacun se souvient de Dieu, et la musique quitte les chemins de l'adoration pour s'enivrer d'elle-même. Dans cet âge baroque commencé en 1600 et clôt en 1750 se concentre l'abandon du monde ancré dans la vie quotidienne, pour l'émergence d'un autre monde rejetant la robe de bure des formes passées pour revêtir l'habit de lumière de l'opéra. De la laude à la cantate, pour l'édification, le musicien occidental surtout de 1710 veut lui bâtir des fresques témoignant de sa présence. Et les voix s'individualisent et le vertige de l'exubérance succède à la froide transe du tête-à-tête avec Dieu.
Ce huis clos théologique s'ouvre avec l'affirmation de l'artiste mettant sa gloire en écran avec la gloire de Dieu. Ce monde au carcan féodal encore apparent en Allemagne du Nord, à la foi si prégnante, montre déjà sous ses apparences de château-fort de Dieu, tous les tumultes intérieurs dont il frémit déjà.
Par le soleil au-delà des styles qui passaient de la France à l'Allemagne, et de l'Italie à la terre entière, la verticalité des prières allait se fondre dans la jubilation des concertos. Le chant d'une voix seule ou d'un seul bloc choral se dissipe en un dialogue, une représentation lyrico-dramatique.
Nous y sommes en 1710, et les oeuvres de Haendel et Vivaldi sont déjà à des années-lumière de la cantate-choral, des confessions piétistes du Bach de cette époque. Un certain âge d'or voulant "émouvoir les passions" est là. Cette volonté d'être expressif à tout prix a beaucoup apporté sans doute à la musique.La folie de Dieu reste pourtant autant puissante dans la nudité musicale et trouve asile dans quelques chorals presque anonymes.
Haendel Dixit Dominus
Dans cette Europe constellée de cours et de roitelets en tout genre, l'appel magnétique du soleil d'Italie était irrépressible. Aussi le jeune saxon, le jeune luthérien Haendel composa à Florence, mais surtout à Rome pour ses "protecteurs" catholiques toute une série de motets latins - une douzaine -dont trois avec choeur. Le Dixit Dominus (HMV 232) est l'oeuvre la plus connue de cette période de fougueuse jeunesse (Haendel a 22 ans lors de la composition), et elle démontre de façon éclatante la différence entre son très exact contemporain et néanmoins collègue obscur, Bach, né à quelques encablures, qui lui reste toujours prisonnier de sa géographie intérieure.
Cette différence est la facilité de s'adapter à l'air du temps -Haendel pendant ces trois années de lumière écrira plus italien que toute la Grande Italie du Monde, plus tard il sera le plus anglais de l'univers avec ses anthems, ses merveilleuses machines musicales : ses oratorios anglais.
Ce motet Dixit Dominus est écrit sur le texte du psaume 109, il est en sol mineur, et a été écrit à Rome en avril 1707.
Son effectif est celui pratiqué à l'époque à savoir soprano, alto ou contre-ténor, choeur avec 2 pupitres de soprano, un pupitre d'alto, un pupitre de ténor, un pupitre de basse.
Un orchestre à cordes et une basse continue, constituent l'écrin sonore de ces voix.
Tout à fait contemporain figurent un Laudate Dominum, un Gloria et un grand oratorio dramatique pour célébrer Pâques "La Résurrection".Ce tout jeune homme, refusant d'abjurer sa foi luthérienne fascine tout ce cénacle regroupant les "grands" de ce monde : poètes, musiciens et cardinaux-protecteurs. Déversant en abondance le charbon musical pour la fournaise catholique romaine, le jeune Haendel, le turbulent saxon ou plutôt le sujet de l'électeur de Brandebourg s'émancipe et s'ébroue. Il fait avec frénésie ses gammes et se lance en parallèle dans la composition d'innombrables cantates italiennes propres " à faire chanter jusqu'aux êtres inanimés". Plus que Bach pris dans les glaces piétistes, il faudrait à ce moment rapprocher Haendel de son quasi-jumeau Dominico Scarlatti. Ne pouvant rester en cage en province, Haendel est, et sera plus encore le prototype du grand musicien international refusant l'enfermement des bigots d'une petite ville. Lui partait déjà, musique au fusil, conquérir l'Europe.
Le Dixit Dominus de 1707 est de fait une composition religieuse sur des, textes triomphaux, et elle sonne profondément catholique et romain. Le côté caméléon musical de Haendel s'épanouit ici, et lui le créateur avant Bach de la passion-oratorio s'il se souvient à jamais de la marque indélébile du choral luthérien aurait pu merveilleusement chanter la gloire de toute religion révélée ou non.
Le Dixit Dominus est le versant italien de Haendel, dans une grande mise en scène de psaumes et d'ornements sacerdotaux propres à la Rome vers 1710. C'est une musique à la fois délicieusement pleine de pompes, d'emprunts vivaldiens ou scarlatiens (Alessandro surtout) et d'un panache, d'une générosité mélodique jaillissante.Cette oeuvre est un petit miracle, et elle reste une des plus "parfaites" de Haendel qui vient de trouver sa voix, sa voie aussi qu'il ne quittera plus. Il est toujours émouvant d'assister à la naissance d'un grand musicien qui se trouve enfin.
Dixit Dominus est le chef d'oeuvre qui fait basculer Haendel vers la gloire.Quand on songe que ce "petit musicien inconnu" est allé défier les Italiens jusqu'au coeur de leur forteresse et qu'il a gagné !
De ce corps à corps avec une religion autre, des formes musicales autres, d'un soleil autre, Haendel sort vainqueur, et en route vers la gloire.Cette oeuvre, exactement contemporaine de la cantate 4 de Bach, est fascinante par son utilisation du style antique (plain-chant, mélodie presque grégorienne, polyphonie,...) avec toute sa verve étonnante.
Le plus novateur pour Haendel dans cette oeuvre est le travail sur l'écriture concertante qui plonge dans la jeunesse des principes du concerto grosso.Le dialogue permanent de l'orchestre avec plusieurs instruments se retrouve dans la volonté de contrastes entre les interventions de voix individualisées aux masses chorales, la volonté aussi d'effets étonnants pour saisir l'auditeur.
Cette oeuvre coule, roule parfois, de façon haletante et elle rebondit comme une cascade sur les rochers du texte du psaume.
Dialogue, rebonds, dramatisme, effets "naturalistes", volonté de saisir les passions à la gorge par quantité d'images fortes, tout cela pourrait définir ce Dixit Dominus.Oeuvre d'emportement, d'enivrement aussi pour Haendel qui volait de découvertes en découvertes (Corelli,...) elle se sert du texte plutôt qu'elle ne le sert. Qu'importe puisque le résultat est le saisissant et le fameux psaume 109 si souvent mis en musique (Vivaldi deux fois!) trouve ici un théâtre sonore saisissant.
Haendel comme le dit le texte "boit au torrent pendant la marche et c'est pourquoi il relève la tête".
Plus tard, bien plus tard, le Haendel du Messie et des fastes des couronnements utilisera encore les vagues tumultueuses libérées dans ce Dixit Dominus.Dixit Dominus
Motet (Psaume 109) en sol mineur, composé à Rome en avril 1707.
Effectif : soprano, alto, choeur orchestre à cordes et basse continue.Ce motet, car il s'agit d'un motet, comprend huit mouvements précédés d'une sorte d'ouverture Il propose en vingt minutes une vision du triomphe du ciel.
Le premier choeur oppose un choeur conquérant avec des interventions solistes qui concertent avec les masses mises en jeu pour affirmer les paroles triomphales de l'Eternel. Ce chant de triomphe se retrouvera souvent chez le vieux Haendel.Suivent deux arias d'église d'abord pour alto, "Virgam vintutis" et ensuite pour soprano, "Tecam principum".
Le climat, malgré les paroles dominatrices, a changé et la volupté sonore, la sensualité mélodique sont plus chants de cour que chants de triomphe.Vocalises, dialogues concertants incessants avec l'accompagnement soit de basses pour le premier, soit des violons pour le second forment la magie sonore de cette musique qui laisse la gloire pour dérouler le chaud velours du présent.
Le choeur reprend la parole pour quitter les joies de l'opéra et réaffirmer la promesse de l'Eternel, mais ce mouvement "Juravit Dominus" est aussi étonnant.
Mélangeant des moments suspendus avec une allègre polyphonie Haendel intrigue par de biens étranges sortilèges harmoniques.
Cette promesse de Dieu est criée, chuchotée aussi avec de grand silences.Le cinquième mouvement "Tu es sacredo" lui aussi dévoile au choeur, est bien plus orthodoxe, et utilise le style antique où fleurit le contrepoint.
Le sixième mouvement ainsi que le septième retrouve la forme du choeur avec intervention des solistes.
Musique fuguée avec de nombreux effets figuratifs elle utilise souvent le décalage entre voix et les effets saisissants sur certains mots (droite, brisure des rois, justice, mine...). L'orchestre à cordes se renvoie le commentaire, et les solistes font des entrées fuguées.
Dans le sixième mouvement un moment superbe se déroule de façon haletante, répétitive et obsédante sur le texte "il brise les têtes sur toute l'étendue du pays".
Ce passage qui rompt totalement avec le reste est extraordinairement saisissant et décrit la justice de Dieu en faisant entendre le bruit des os qui se brisent.Ce sommet de l'oeuvre, le plus long plus de huit minutes, laisse la place à une pastorale pour le septième mouvement. L'envolée de la soprano, puis de la contralto ne s'oublient pas, des portes d'ailleurs se sont ouvertes, un avant-goût d'éternité ou de paradis sans doute.
Le "Gloria Patrie" conclusif est aussi introduit par les solistes avant que ne soit bouclée l'oeuvre par un rappel des motifs initiaux, et l'oeuvre s'achève en grande pompe solennelle.
Les deux portiques du motet sont donc le début et la fin déjà du futur Haendel bâtisseur de fresques sonores, le reste baigne dans l'innocence d'une musique ensoleillée, amoureuse des voix lumineuses autant que de la gloire de Dieu.Souffle et couleur, irruption de lumière le Dixit Dominus de Haendel déchire la nuit en nous et au milieu du temps annonce un grand compositeur autant que la parole divine.
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