-
17°Trinité : 1 Timothée 2.1-6
17°Trinité : 1 Timothée 2.1-6
Frères et soeurs, dimanche dernier, nous nous sommes attardés sur la situation désespérée d'Israël et la prière efficace de Moïse. Ce matin, l'apôtre nous encourage à prier pour tous les hommes, et particulièrement pour tous ceux qui exercent l'autorité. Je sais bien que certains prieront dans la douleur et d'autres dans la joie, mais il y a manifestement un terrain sur lequel nous devons tous nous retrouver, c'est celui de la prière ! Pourquoi ce rappel ? Paul nous donne une triple réponse. Priez : parce que c'est la volonté de Dieu ; parce que le monde en a besoin ; parce que notre salut et celui de nos semblables en dépendent !
I
« J'encourage avant tout - écrit l'apôtre - à faire des demandes, des supplications, des prières de reconnaissance pour tous les hommes ».
Cela peut sembler étrange de dire à un enfant : parle à ton père ! Ne fait-il pas cela spontanément ? Un enfant parle à son père parce que cela répond à un besoin profond et vital ; c'est le signe de son amour et de sa confiance. Pourtant, Paul est obligé de dire à son disciple : « J'encourage » et il ajoute même : avant tout. Ailleurs, il insiste au point d'ordonner aux chrétiens : « Priez sans cesse ! » (1Th 5.17).
Nous sommes enfants de Dieu. Dieu veut donc vivre en communion avec nous, comme un père avec ses enfants. Quelle genre de relation avons-nous avec lui si notre prière n'est qu'un automatisme, quelque-chose qu'on accomplit comme une formalité, quand il reste un peu de temps à la fin d'une journée, un truc de dernière minute avant d'aller se coucher et d'éteindre la lumière ? Dieu nous a créés pour la prière et attend que nous priions. Et c'est bien à cause de notre faiblesse qu'il nous le rappelle de cette façon. Vous savez, c'est un peu comme l'adolescent mal dans sa peau qui a du mal à communiquer avec ses parents - avec ses « vieux », comme disent les jeunes - justement parce qu'ils ont le sentiment de ne plus être sur la même longueur d'onde ! C'est à eux que le Seigneur demande : « Invoque-moi au jour de la détresse ; je te délivrerai et tu me glorifieras » (Ps.50.15). Alors prions, frères et soeurs. Prions avec ferveur, s'il est vrai que Dieu compte dans notre vie et que nous avons des choses à lui dire !
Quand cela va mal dans le monde ou dans la vie des gens, on entend souvent des réflexions du genre : « C'est comme ça ! On ne peut rien y changer. Il faut accepter ! Il faut faire avec, prendre les choses comme elles viennent ». Ce qui correspond à peu près à l'Inshala des Musulmans. Les chrétiens abordent le problème autrement. Ils disent non pas Inshala, mais : « C'est toi, Eternel, qui es notre Père, qui dès l'éternité t'appelles notre Sauveur ! » (Esaïe 63.16).
« J'encourage avant tout, dit Paul, à faire des demandes, des supplications, des prières de reconnaissance pour tous les hommes ».
La prière, frères et soeurs, c'est donc le baromètre de notre foi, un peu comme la qualité du dialogue entre époux est le baromètre de leur amour. Et Dieu sait que se parler est important, et même capital. C'est pourquoi l'apôtre ajoute : « Voilà ce qui est bon et agréable à Dieu, notre Sauveur ».
II
« J'encourage à faire des demandes, des supplications, des prières de reconnaissance pour tous les hommes ».
Si l'apôtre Paul dit cela, c'est aussi parce que le monde en a bien besoin.
On entend dire quelquefois que les chrétiens sont déconnectés du monde ; qu'ils ne s'intéressent pas aux problèmes de la société et ne savent que prier. Pour dire une chose pareille, il faut ne jamais avoir assisté à un culte ! Quand les chrétiens sortent de leur appartement ou quittent leur maison le dimanche matin, ils emportent le monde et les hommes avec eux, dans leur coeur, et les présentent au Seigneur.
Ce qu'ils ont vu et appris à la télé, ce qui a fait irruption dans leurs foyers, les malades et les mourants, les gens seuls et en souffrance, les détresses grandes et petites, ils les portent avec eux quand ils se tiennent devant le trône de leur Dieu. Ils prient, parce que le monde en a besoin. Et qui le fera à leur place ? Le joggeur du dimanche ? Celui qui trime tous les week-ends pour retaper sa maison de campagne ? Ou celui qui reste tout simplement sous sa couette parce qu'il a refait le monde le samedi soir autour d'un repas bien arrosé ?
2
On entend dire aussi : « les chrétiens parlent beaucoup mais agissent peu ». C'est archi-faux ! Les chrétiens sont des gens de prière, mais aussi des gens d'action ! Ils agissent, mais avant d'agir ou en même temps qu'ils agissent, ils parlent. Et pas avec n'importe qui. Ils parlent avec l'Eternel des armées qui gouverne toutes choses. Ils vont le trouver, car ils savent que s'il en est un qui peut résoudre les problèmes de ce monde, c'est bien lui !
Se bouger, faire face, agir, secourir par le geste ou par le don, tout cela est nécessaire et les chrétiens ne sont pas les derniers à le savoir. Mais ils savent aussi qu'il y a encore plus important que cela, quelque chose qu'ils sont les seuls à pouvoir faire : prier pour ce monde.
Pensons à la faim en Afrique ou en Asie. Faut-il prier au lieu d'agir ? C'est une fausse alternative ! Les chrétiens font les deux : ils prient et ils agissent. Car il ne suffit pas d'agir. Encore faut-il que nos dons parviennent à la bonne adresse au lieu de remplir les poches des puissants, d'alimenter des comptes secrets dans des paradis fiscaux ou de se muter en belles Mercedes, alors qu'ils devraient se transformer en riz pour nourrir des bouches affamées ou en médicaments pour soigner des malades.
Et puis le meilleur riz, le meilleur pain du monde ne peut secourir les malheureux si celui qui crée le riz et le blé ne bénit ces fruits de la terre. Dieu seul rassasie les hommes et les animaux. Alors n'oublions pas d'agir, mais aussi de prier et de prier avec ferveur, d'en appeler au coeur et à la miséricorde du Seigneur !
Un père, c'est aussi un confident, un ami sur lequel on peut compter. Et ça c'est un trésor immense. Peut-être n'es-tu pas très heureux dans ta vie de couple, peut-être y a-t-il des tensions et des querelles dans ta famille, peut-être vis-tu dans la solitude. Ou bien tu as le sentiment d'être mal compris, l'impression qu'on t'ignore ou te méprise. Ou alors c'est le poids des années qui te fait souffrir. Cela ne va plus comme jadis. Il y a tant de choses que tu aimerais faire et que tu ne peux plus faire. Joins les mains, frère ou soeur ! Trouve un peu de temps pour t'adresser à celui déclare dans l'Evangile, à travers ton baptême et dans la sainte cène : « Je t'aime et je ne t'abandonnerai pas ! »
Ne dis pas : « A quoi bon ? Cela ne sert à rien. Dieu ne m'entend pas ! » Fais comme Abraham qui pria pour Sodome : « Seigneur bien-aimé, s'il n'y a que 20 justes dans ses murs, ou seulement 10, ou peut-être 5, épargne cette ville ! »
Ou comme Moïse qui plaça l'Eternel devant ses engagements envers les patriarches et fléchit la résolution divine de mettre un terme à son alliance. Ou comme la femme cananéenne qui insista auprès du Christ et lui dit : « Seigneur, même les petits chiens ont le droit de ramasser les miettes qui tombent de la table de leur maître... », ou encore comme cette veuve qui alla déranger le juge jusqu'à ce qu'il lui fasse justice.
Et puis, comme le dit l'apôtre, prions « pour les rois et tous ceux qui exercent l'autorité, afin que nous puissions mener une vie paisible et tranquille, en toute piété et en tout respect. »
Si vous trouvez que votre situation est difficile dans un pays laïc, pensez aux destinataires de cette épître. Ils ont souffert sous Titus, puis Néron. Les Juifs les méprisent et les Romains les persécutent. Mais quel est l'ordre de l'apôtre ? La révolte ? Non : l'obéissance, « avec amour et respect » comme l'écrit Luther dans son explication du 4e commandement. En effet, les empereurs et les rois, les chefs d'Etat et les gouvernements sont là pour permettre aux gens de « mener une vie paisible et tranquille, en toute piété et dignité ». Ils sont chargés de veiller à la paix, à la justice, à la sécurité et au bien-être de tous. Et si leurs ambitions se heurtent à la mondialisation, aux puissances du profit ou à leur propre incompétence, ils ont d'autant plus besoin de nos prières. D'accord pour la critique, les protestations, les manifestations comme jeudi dernier. D'accord même, si c'est nécessaire, pour faire en sorte qu'ils ne sortent plus des urnes aux prochaines élections. Tout cela peut être parfaitement justifié. Mais qui va prier pour ces gens, si les chrétiens ne le font pas ?
Notre président, notre premier ministre et son gouvernement, nos députés et nos sénateurs et tous les serviteurs de l'Etat relèvent des défis énormes : réduire le chômage, maintenir les retraites, développer la croissance, contribuer par leur politique à la sauvegarde de l'environnement, s'occuper de nos écoles et de nos hôpitaux, veiller à ce que la dignité de chaque citoyen soit préservée, ainsi que son droit à une vie décente. Alors, même s'ils sont bardés de diplômes prestigieux, genre ENA ou Sciences Po, ils ont besoin de nos prières, de beaucoup de prières. Ce ne sont que des hommes, en effet, des hommes faillibles, qui ont leurs limites. Et plus ils sont assis haut, plus grandes sont les tentations auxquelles ils sont exposés. La tentation de rechercher prestige et gloire. La tentation de prélever des commissions sur l'argent qui leur
3
passent par les mains. La tentation de vendre leurs faveurs. La tentation de négliger ceux dont ils n'ont rien à attendre et qui ne peuvent pas les faire progresser dans leur carrière ni les maintenir dans leurs fauteuils.
Il est important qu'on prie pour eux. Les tentations auxquelles ils ont à faire face sont tellement plus grandes que celles qui nous assaillent dans notre vie de petits citoyens. Ils portent des responsabilités tellement plus grandes que nous, ce qui signifie que lorsqu'ils font des erreurs, ces erreurs ont des conséquences beaucoup plus graves que les nôtres.
Honorer et respecter ceux qui nous gouvernent ? Certainement, car leur autorité vient de Dieu. Les mettre sur un piédestal et les vénérer ? Surtout pas, car ce ne sont pas des dieux, loin de là ! Les soutenir par un engagement militant ? Pourquoi pas, surtout quand ils le méritent. Mais aussi et surtout prier pour eux, car ils en ont bien besoin et c'est encore la meilleure façon de les aider.
III
Prier ? Oui, car Dieu le veut. Prier aussi parce que le monde en a bien besoin. Et enfin prier, car il s'agit de le sauver. « Voilà ce qui est bon et agréable devant Dieu notre Sauveur, lui qui désire que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité - écrit Paul. En effet, il y a un seul Dieu il y a aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, Jésus-Christ, qui s'est donné lui-même en rançon pour tous... et pour lequel j'ai été établi prédicateur et apôtre. »
Vous le savez, tous nos problèmes ne sont pas résolus quand nous avons réussi nos examens, trouvé un partenaire pour la vie, construit ou acheté une maison, retrouvé du travail après une petite période de chômage ou surmonté une maladie. Et les problèmes de ce monde ne sont pas résolus quand les pays collaborent et que l'économie est stable et prospère. Il y a un problème qui dans tout cela n'a pas trouvé sa solution. C'est le péché. Le monde a besoin d'être réconcilié avec Dieu. Il a donc besoin de quelqu'un qui le réconcilie, d'un médiateur. Ce médiateur existe : « Jésus-Christ, qui s'est donné lui-même en rançon pour tous ».
Le monde a besoin de salut. C'est la troisième raison pour laquelle il est important que nous priions. Il s'agit de remercier Dieu de ce qu'il nous a donné un Sauveur. De le remercier parce qu'il nous a fait la grâce de croire en lui. De le remercier parce que sa parole nous est prêchée fidèlement. De lui demander d'envoyer des ouvriers dans sa moisson, car le champ est grand et il n'y a que peu de semeurs et de moissonneurs. Demandons-lui d'offrir au monde des pasteurs, des missionnaires, des évangélistes et des diacres dévoués, et beaucoup de fidèles qui travaillent dans son Royaume et ne se contentent pas de voir dans l'Eglise une cafétéria où l'on vient se servir et où on laisse travailler les autres.
Demandons-lui de faire de nous de meilleurs témoins, de nous donner au bon moment les bonnes paroles. Prions pour que les pays qui sont restés fermés à l'Evangile lui ouvrent leurs portes. Prions pour que ceux qui se sont détournés de l'Evangile, qui ne veulent plus ou ne peuvent plus croire, retrouvent la foi, et pour que ceux qui n'ont jamais cessé de croire restent humbles, chaleureux, miséricordieux, doux et patients.
Nous avons beaucoup de raisons de prier, de prier avec ferveur, sans nous lasser. Faisons-le, non par contrainte ni par habitude, mais de bon coeur, humblement, avec foi et gratitude, car Dieu le veut, le monde en a besoin et il y va de notre salut ; du salut de notre mari ou de notre épouse, du salut de nos enfants et de nos petits-enfants, et du salut des hommes nos frères. Dieu est amour. Il veut donc que « tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ». C'est pourquoi il écoute nos prières. Toutes nos prières ? Oui, toutes. Pas toujours comme nous le souhaitons, mais toujours comme il a décidé de le faire. Et cela devrait nous combler de joie.
Amen !
Tags : pensée
-
Commentaires