-
11e Trinité - Luc 12.32-40
1
11e Trinité - Luc 12.32-40
Frères et soeurs, vous le savez, la Bible n'en fait pas mystère, beaucoup d'hommes et de femmes ne seront pas sauvés. Ils n'entreront pas au ciel parce qu'ils seront restés toute leur vie hostiles à Dieu et indifférents à ses invitations répétées. Mais un autre drame peut arriver, peut-être pire encore que le premier. C'est que parmi ces gens il y ait des disciples qui n'ont pas su garder la foi. Après avoir cru en Jésus, ils se sont détournés de lui. Ils ont perdu le bénéfice des merveilleuses promesses de la vie éternelle.
Heureusement, l'Esprit veille. Continuellement, l'Ecriture nous exhorte à demeurer vigilants. Mais le danger du reniement est réel. Ici, il est comparé à des serviteurs endormis, au lieu de veiller. Or la somnolence, l'oubli, le sommeil de la foi ont toujours des conséquences tragiques.
Ce matin, écoutons Jésus nous dire avec le plus grand sérieux : Pour être sûrs d'entrer au ciel, ne laissez rien ni personne vous enchaîner et soyez vigilants !
I
Ne laissez rien ni personne vous enchaîner.
Le Seigneur pose d'abord une puissante garantie : « N'aie pas peur, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le royaume ». (v.32)
Ces mots tranchent fortement avec notre réalité. Les chrétiens ont de tout temps été minoritaires. Et les minorités sont souvent opprimées. C'est particulièrement vrai quand il s'agit d'un petit groupe de croyants fidèles. Ils se réjouissent de la grâce de Dieu en Jésus-Christ ; ils vivent selon sa volonté et parlent de l'évangile autour d'eux. Ils ont à coeur de partager leur foi dans un monde qui, majoritairement, ne leur rend qu'indifférence ou mépris. L'actualité récente nous a même rappelé que certains le payaient encore de leur vie.
Et comme si cela ne suffisait pas, les disciples de Jésus ne perdent rien des difficultés de la vie : ils souffrent de maladies, subissent les catastrophes climatiques, connaissent le chômage et la pauvreté.
Alors, en contraste avec ce qui frappe les regards et mine le moral, Jésus offre en dépôt le plus enviable des trésors : son royaume. « Votre Père -dit-il -a trouvé bon de vous donner le royaume ». Dieu vous réintègre dans son ciel. Il vous offre gratuitement la vie éternelle. Mon sang versé sur la croix, dit Jésus, vous en ouvre les portes.
Cette réalité doit s'imposer aux difficultés du quotidien. Le royaume, nous dit Jésus, vous le possédez dès maintenant. Vous le connaissez parce que l'Esprit habite en vous. Vous le vivez déjà dans l'Eglise qui est le corps de Christ. Beaucoup s'entêtent, c'est vrai, à en ignorer l'existence et je ne suis pas certain que leur mettre ce royaume sous le nez changerait grand-chose à leur incrédulité. Car vous l'avez entendu : « la foi, c'est la ferme assurance des choses qu'on espère, la démonstration de celles qu'on ne voit pas ». Tout est grâce dans ce royaume, y compris le miracle qui nous y fait pénétrer. Alors répétons-le, ce royaume nous est acquis, mais force est d'accepter aussi que nous n'en voyons pas encore toute la beauté ; nous le saluons de loin, comme le dit joliment la lettre aux Hébreux... (Hb 11.13)
Nous savons pourtant ce qu'il promet : dans ce royaume, plus d'ennemis ni de malheurs ; plus de maladie ni de mort. Finie la peur du lendemain, la crainte de manquer. L'apocalypse nous le décrit brillant de lumières, étincelants comme le sont des diamants ou de l'or. Et encore, que sont les mots pour traduire l'éclat de ce royaume !
N'aie pas peur, petit troupeau : ta réalité n'est pas celle que les gens voient. Tu te crois pauvre ? Tu es riche ! Tu crois être seul ou faible ? Tu as pour Père le tout-puissant.
L'incrédulité, nous l'avons dit, prive l'homme de cette réalité. Mais Jésus ne s'adresse pas à des incroyants dans notre passage. C'est le « petit troupeau » qu'il met en garde pour lui
2
rappeler que là où est son trésor, là aussi sera son coeur (v.34). Qu'est-ce qui peut nous enchaîner à nouveau au point de perdre cette liberté si chèrement acquise par notre Seigneur ? A quelle puissance d'égarement songe-t-il qui soit plus attrayante que ses promesses ?
Jésus ne le dit pas explicitement. En d'autres circonstances, il soulignera qu'il sera plus difficile à un riche d'entrer dans le royaume qu'à un chameau de passer par le shah d'une aiguille. Ici, le Seigneur s'exprime en contrepoint : « Vendez ce que vous possédez et faites don de l'argent. Faites-vous des bourses qui ne s'usent pas, un trésor inépuisable dans le ciel, où le voleur n'approche pas et où la mite ne détruit pas. » (v.33).
A l'évidence, et sans tordre le sens de ce texte, l'argent peut être un piège. Sinon pourquoi nous recommanderait-il de nous en décharger ?
Essayons de comprendre.
A tout bout de champs, les banques vous relancent pour vous proposer des placements mirifiques, sûrs, rémunérateurs : épargnes logement, assurances-vie, actions, Sicav, etc. D'autres placent leur argent dans la pierre, achète un ou plusieurs appartements, louent et revendent avec bénéfice. Capitaliser devient même une mesure de prudence élémentaire dans cette société où le système de retraite par répartition paraît avoir vécu.
Mais Jésus semble dire : je vous offre un meilleur investissement : soyez riches pour le ciel ! La bourse remplie d'espérance ne s'use pas et le trésor de la foi n'intéresse pas le voleur ! La mite peut dévorer votre pull en cashmere ou en alpaga, mais que peut-elle faire sur la robe de votre baptême, lorsque vous avez été revêtus de Christ ? (Gal 3.27).
Comprenez que ce n'est pas la juste rétribution d'une vie de travail contre laquelle Jésus nous met en garde. Après tout, l'Esprit dit dans l'Ecriture que même le pasteur mérite un salaire et la paresse est fermement condamnée ; en termes très durs : que celui qui ne travaille pas ne mange pas non plus. Depuis cette épouvantable tragédie au jardin d'Eden, qui nous coûta le royaume sur la terre, c'est avec peine que nous tirons du sol notre nourriture et la sueur précède le pain que nous mangeons.
Jésus dit simplement : l'argent procure une telle jouissance qu'il te pousse à en désirer beaucoup. Tu oublieras alors que tu possèdes tout - tout ce dont ton âme a besoin - pour cultiver une insatisfaction constante des besoins du corps. Cela absorbera ton énergie au détriment de tes parents ou de tes enfants, de ta vie de couple, de ta vie d'église. Ton coeur va changer de place, dit Jésus. Il était autrefois comblé par ma présence, le voici enchaîné à la dictature du travailler plus pour gagner plus. Le plus pernicieux est que l'on se croit sage. Et l'on méprise ceux qui nous paraissent telle la cigale de la fable, mais qui, en réalité, appliquent cette autre promesse du Seigneur : ne vous souciez pas du lendemain ; votre Père sait de quoi vous avez besoin. Des cigales qui, soit dit en passant, expriment proportionnellement leur amour de Dieu et du prochain avec infiniment plus de conviction que les fourmis ; n'importe quel trésorier paroissial vous le dira. L'Ecriture nous le rappelle : « Ne te fatigue pas à acquérir la richesse, n'y applique pas ton intelligence. » (Pr 23.4). Une fatigue, parce que l'on doute de la providence divine. Posséder rassure. C'est tellement humain ! Jésus répond : « Vendez ce que vous possédez ».
Autrement dit, ne perdez pas de vue le royaume et pratiquez la bienfaisance.
A l'époque, il y avait sans doute beaucoup plus de misère qu'aujourd'hui : le RSA n'existait pas. Les pauvres ne survivaient que par les aumônes. Or, nous dit Jésus, chaque aumône que tu fais laisse une trace dans mon royaume, en vertu du principe qu'il énonce dans la scène du Jugement : Tout ce que vous avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait.
3
Chers amis, toute participation à une action humanitaire ; tout don à une oeuvre de charité ; toute implication dans une collecte en faveur de gens dans la détresse mais aussi la prise en charge d'un parent pauvre, d'un enfant malheureux - les exemples sont hélas très nombreux - constitue un investissement au ciel quand cela vient de la foi et d'un esprit d'amour fraternel. Les dons pour l'Eglise en font partie, bien entendu ; car quelle plus grande bienfaisance peut-il y avoir quand son but est de sauver des âmes, par le soutien que l'on apporte à sa paroisse et à la mission ?
Vendez ce que vous possédez ! Mais avec coeur, librement et joyeusement, sans contrainte, en commençant peut-être par le superflu ! Détachez vos esprits de ce qui retient votre course vers le royaume, des richesses, des biens matériels qui accaparent vos pensées, puisque Dieu lui-même a fait la promesse de veiller à votre pain quotidien. Vous ne pouvez aimer Dieu et Mammon, dit Jésus ; c'est l'un ou l'autre. On n'emmène pas un tas de pierres au ciel. Mes dons montrent que je prends la promesse de la vie éternelle au sérieux ; ils montrent " que j'y crois " ; ils montrent mon intérêt pour ce royaume. C'est donc vraiment une façon de s'y installer dès aujourd'hui, pour y être demain.
II
Ne laissez rien ni personne vous enchaîner, dit Jésus. Il ajoute : soyez vigilants !
Toujours pour que nous ne passions pas stupidement à côté du royaume céleste, Jésus nous demande d'être prêts à son retour.
Que veut dire : être prêt ? C'est croire en lui, bien sûr ; mais d'une foi constante que rien ne prendra en défaut. Car attention : beaucoup vivent dans l'illusion de telle ou telle religion, même la religion des oeuvres. Jésus veut trouver une foi véritable, fondée sur la parole, sur la grâce de Dieu ; une foi vivante et agissante.
C'est pourquoi « mettez une ceinture à votre taille et tenez vos lampes allumées », demande-t-il comme l'Eternel aux Hébreux avant le départ pour la terre promise. A cette époque, pour marcher, courir, travailler, il fallait remonter le vêtement et le retenir avec une ceinture. L'expression est donc synonyme de : " Soyez prêts à partir, à marcher ou à travailler ".
Les lampes allumées qui brillent dans l'obscurité, ajoutent à cet état de veille et de disponibilité : à tous moments, il faut être disponible pour accueillir Jésus et entrer avec lui dans le royaume des cieux.
« Soyez comme des hommes qui attendent que leur maître revienne des noces, afin de lui ouvrir dès qu'il arrivera et frappera. Heureux ces serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera éveillés ! Je vous le dit en vérité, il mettra sa ceinture, les fera prendre place à table et s'approchera pour les servir. Qu'il arrive au milieu ou vers la fin de la nuit, heureux sont ces serviteurs, s'il les trouve éveillés ! » (v. 36-38)
Jésus est ce maître absent pour quelques temps. A l'Ascension, il est allé rejoindre son Père et notre Père, d'où il reviendra pour juger les vivants et les morts. Quand ? Lui seul le sait ! Mais nous devrons être là pour l'accueillir. D'où cet ordre de vigilance, puisque nous ne savons "ni le jour ni l'heure".
Là encore, la promesse de grâce émaille le commandement. " Heureux ", dit Jésus, ceux qu'il trouvera éveillés : il s'approchera pour les servir.
D'emblée, ce maître paraît excessivement bon. Il fait quelque-chose d'improbable : il inverse les rôles et devient lui-même serviteur. Pour des gens qui n'ont pourtant rien fait de spécial : uniquement leur travail en ouvrant les portes et en allumant les lumières.
Mais regardez ce que fait le Seigneur : il passe lui-même une ceinture - et vous savez maintenant ce que cela signifie. Il invite ceux qu'il a trouvé éveillés : " Je vous en prie, mes amis, prenez place autour de la grande table du festin ; maintenant, c'est moi qui vous sert ".
4
Le plus étonnant, c'est qu'il parvient à faire ce travail à lui tout seul : le repas, le service à table pour ses 10, 20, peut-être 50 serviteurs... Cela me rappelle la promesse du psaume 23 : « Tu dresses une table devant moi, tu verses de l'huile sur ma tête et tu fais déborder ma coupe. Oui, le bonheur et la grâce m'accompagneront tous les jours de ma vie et je reviendrai dans la maison de l'Eternel jusqu'à la fin de mes jours. »
Christ serviteur ! N'a-t-il pas à deux reprises multiplié pains et poissons pour nourrir de grandes foules ? N'a-t-il pas lavé les pieds de ses disciples peu de temps avant sa passion ? N'a-t-il pas accepté d'être obéissant à Dieu " jusqu'à la mort, même la mort de la croix ? " Eh bien, nous retrouverons ce Jésus au ciel ; ce qui n'enlèvera rien à sa dignité, à sa royauté ni à sa majesté divine.
Je me souviens aussi qu'avant son arrestation, il disait à ses disciples : « Je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu'au jour où je le boirai nouveau avec vous dans le royaume de mon Père » (Mt 26.29). Serviteurs et maître à la même table ! Je suis impatient, personnellement, de partager cette coupe avec mon Seigneur, après avoir combattu le bon combat et gardé la foi !
N'est-ce pas là un puissant encouragement à la vigilance ? A mettre sa ceinture le dimanche matin, sa robe ou son pantalon pour aller au culte ? A éteindre l'ordinateur ou la télévision pour ouvrir sa Bible ? A grandir dans la sanctification par la prière et l'adoration ? A retrousser ses manches en travaillant pour Eglise, ne serait-ce que pour des travaux d'entretien ou de nettoyage ? A s'armer de courage pour parler de Jésus à des connaissances ; à mener une vie pieuse, conforme aux commandements ?
« Vous le savez bien, reprend Jésus, si le maître de la maison connaissait l'heure à laquelle le voleur doit venir, il resterait éveillé et ne laisserait pas percer les murs de sa maison. Vous donc aussi, tenez-vous prêts, car le Fils de l'homme viendra à l'heure où vous n'y penserez pas. » (v. 39-40).
Dans la parabole précédente, c'était des serviteurs qui attendaient leur maître. On peut les imaginer motivés par la crainte, mais aussi par le désir de ne pas décevoir ce maître qu'ils servent depuis tant d'années. Mais ici, c'est une attente fiévreuse, inquiète, angoissée : celle d'un propriétaire qui redoute un cambriolage. Il s'agit de protéger notre bien le plus précieux : le dépôt du royaume que nous avons reçu des mains mêmes de Dieu. Cette foi que Satan cherchera à nous ravir par tous les moyens, comme il a tenté de le faire avec Jésus en lui faisant miroiter puissance, richesse et tous les honneurs de la terre. Il faut donc veiller année après année, jour après jour, nuit et jour. C'est une question de mort ou de vie. Vous le savez, nous ne sommes pas des sentinelles désarmées. Pour monter cette garde, nous avons l'épée de la parole, à deux tranchants : la meilleure ; le casque du salut, la cuirasse de la foi...
Avez-vous remarqué comme le fait de bailler est contagieux ? Et il faut que je m'empresse de finir car je suis sûr que si quelqu'un baillait dans la salle, plusieurs se mettraient à l'imiter. Mais voyez-vous, frères et soeurs, en dépit de toute leur agitation, des millions de gens dorment dans ce monde. Et le sommeil de ce monde lui aussi est contagieux. C'est pour cela que Jésus insiste tellement : le Fils de l'homme viendra à l'heure où vous n'y penserez pas. Notez cela : il reviendra à un moment où même les croyants y penseront le moins. Puissions-nous être prêts pour ce grand appel !
Amen.
Tags : pensée
-
Commentaires